Les chatons passent en moyenne 14h24min par jour à rêver, soit 9 fois plus que nous autres êtres humains qui rêvons 1h36min par nuit ! Le chaton passe ainsi plus de temps dans un monde onirique que dans notre monde. Lui serait-il plus utile de rêver que d’être éveillé ? Comment expliquer une telle différence avec nous ?
Nous allons tenter de répondre à ces questions en étudiant la phylogenèse du rêve du point de vue de la neurophysiologie et de l’évolution. La phylogenèse correspond à l’histoire de la formation et de l’évolution d’espèces et de leurs caractères. Le sommeil peut quant à lui être caractérisé comme un état physiologique périodique d’un organisme, facilement réversible et généralement marqué par de l’immobilité et une réaction aux stimuli amoindrie. Lorsque nous dormons, nous rêvons, particulièrement lors du sommeil paradoxal - le dernier stade du cycle du sommeil pendant lequel l’activité cérébrale correspond à l’état d’éveil et l’activité musculaire à un sommeil profond. La définition du rêve est très variable : en neurophysiologie, on décrit l’activité onirique comme un ensemble de phénomènes psychiques éprouvés au cours du sommeil ; mais philosophiquement parlant, le rêve peut être défini comme une suite d’images, de représentations qui traversent l’esprit, avec la caractéristique d’une conscience illusoire telle que l’on est conscient de son rêve, sans être conscient que l’on rêve. L’étude des rêves animaux pourrait permettre de comprendre leur origine, c’est-à-dire le moment auquel ils sont apparus, ainsi que leur avantage évolutif, dans la mesure où la comparaison des caractères de différentes espèces permet d’établir une parenté entre les êtres vivants et de déterminer la période d’apparition d’un caractère. Pourtant, contrairement à l’étude de caractères physiques, qui peut s’effectuer sur des fossiles ou autres vestiges des animaux du passé, l’immatérialité et le caractère éphémère du rêve rendent l’étude plus complexe, de plus, les instruments d’étude du fonctionnement du cerveau ne se sont développés que récemment et il est impossible de les utiliser sur des animaux morts depuis longtemps ! L’étude des rêves animaux doit donc se restreindre à un nombre limité d’espèces, comme par exemple le chat, en tenant compte de sa quantité importante de sommeil, ce qui facilite son étude, ou encore le rat, qui est le seul animal rêveur chez qui on peut faire des manipulations génétiques. Cela pose la question de la pertinence d'une telle étude.
Nous nous poserons donc la question suivante : est-il possible de dresser une phylogenèse du rêve chez les êtres vivants alors que nous disposons de données et d’analyses uniquement sur les espèces qui nous sont contemporaines ? Nous étudierons dans un premier temps les mécanismes du rêve et leur découverte (partie 1), qui, comme nous le verrons ensuite, permettent la construction d’une phylogenèse du rêve (partie 2), pour enfin nous demander si l’établissement d’une phylogenèse du rêve permet ou non d’émettre des hypothèses quant à sa fonction (partie 3).
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