Livre des Morts au nom de Tcha-Hapi-imou, supérieur des astronomes d'Amon
Papyrus, Basse Epoque ou époque ptolémaïque
Musée du Louvre, Paris, départements des Antiquités égyptiennes (Cliché RMN – F. Roux)
« À propos des animaux sacrés en Égypte, ce qui a lieu paraît à beaucoup à juste titre extraordinaire et mériter une enquête. En effet, les Égyptiens vénèrent extrêmement quelques animaux, non pas seulement quand ils vivent, mais quand ils sont morts aussi… »(1)
Pour les premiers observateurs, le rapport du peuple égyptien aux animaux n’a cessé d’être une source de questionnements issus essentiellement de la place et du rôle qu’ils tenaient dans leur panthéon. En effet la civilisation égyptienne a entretenu des relations des plus étroites avec le monde animal en en imprégnant même sa pratique religieuse. On peut donc retracer l’origine de ce qui est parfois passé pour de la simple zoolâtrie(2) alors qu’on ne peut pas parler de pratiques zoolâtres dans l’Égypte ancienne, car ce n’était pas les animaux qui étaient adorés, mais la divinité dans laquelle ils pouvaient s’incarner, vivants ou morts.
Notre étude porte sur l'Égypte Antique, depuis l’unification de la Haute-Égypte et de la Basse-Égypte, vers l’an 3000 avant notre ère, jusqu’à ce qu’elle devienne une province romaine en l’an 30 avant Jésus-Christ. Le terme animalité renvoie aux « caractères qui sont propres à l’animal », tandis que l’humanité se définit comme les « caractères par lesquels un être vivant appartient à l'espèce humaine »(3). Le concept d’animalité s'envisage dès lors en creux, comme le modèle ontologique inverse de l’humain, mais cette vision de l’animalité est peut-être déjà trop occidentalisée. Le rapport entre les animaux et l’espèce humaine, dans la mesure où ces deux concepts sont liés, interagissent et s’influencent réciproquement, peut être considéré selon diverses perspectives, et nous nous attacherons ici à les étudier à travers le prisme de la religion égyptienne.
Les Égyptien•ne•s ont hérité d’un grand nombre d’animaux domestiqués par leurs ancêtres et ils ont essayé d’en domestiquer beaucoup d’autres. Par ailleurs, le spectacle d’une faune riche et variée n’a pas été sans conséquences sur leur façon de concevoir, d’exprimer et d’appréhender le rapport entre animalité et humanité. Cependant, s’ils considéraient que l’essence des dieux ne pouvait pas être animale, leur représentation du divin passait par les animaux. Pourquoi ? Et que nous apprend cette conception singulière du divin quant au lien entre l’animal et l’humain dans la civilisation égyptienne ?
Nous étudierons d’abord les conditions d’apparition en Égypte de l’intégration de l’animal dans l’univers des croyances, et nous reviendrons sur ce panthéon animal pour en comprendre les caractéristiques. Nous aborderons ensuite les diverses conséquences concrètes, normatives et rituelles qu’implique cette conception si particulière issue de croyances, et ce qu’elles révèlent de la qualité des relations entre le peuple égyptien et l’animal.
(1) Diodore de Sicile, Livre 1, 83, 1, traduction M. Casevitz, 1991.
(2) Pour Hérodote, le soin des animaux confinait à la zoolâtrie (adoration d’animaux divinisés). G. Posener, Dictionnaire de la civilisation égyptienne, 1959.
(3) Dictionnaire Larousse, 1981.
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