Paysage d'Alaska // Photographie de Guillaume Tartayre et Irina Alles |
« La croyance traditionnelle Sami disait qu’il était possible de poser des questions à la nature et qu’elle répondait » déclarait en 2015 le chercheur E. Pinto-Guillaume à propos de ce peuple des régions arctiques [1]. Qu'en est-il aujourd'hui ? Les peuples autochtones sont-ils encore capables de la comprendre alors que cette nature doit faire face au réchauffement climatique et que leurs connaissances coïncident de moins en moins avec la réalité ?
Aujourd’hui, on estime qu’une cinquantaine de peuples, parmi lesquels les Inuit, les Samis ou encore les Yakoutes, regroupant plus de 500 000 autochtones, sont répartis sur l’ensemble de la région du Grand Nord, du Canada au Nord de l’Europe en passant par l’Alaska et le Groenland. A l’origine nomades, ces sociétés, dont les territoires ne connaissent de frontières précises, ont construit leur identité sur un lien très fort à cet environnement aux conditions extrêmes. Leurs modes de vie, bâtis sur les cycles climatiques et les animaux, s’articulent autour d’activités comme la chasse, la pêche ou l’élevage de rennes. Toutefois, l’arrivée des Occidentaux dès le XVIIe siècle et la découverte notamment de gisements d’hydrocarbures dans la région, qui transforment le milieu, marquent un premier bouleversement de cette culture. Une partie des populations est forcée de se sédentariser et les logiques occidentales s’introduisent dans toutes les communautés. Quelques milliers continuent de vivre au rythme des saisons selon les traditions mais ils doivent faire face aujourd’hui à une nouvelle modification de leur territoire, cette fois conséquence du réchauffement climatique. Habitués aux conditions extrêmes, des variations météorologiques de quelques degrés pourraient paraître insignifiantes, d’autant plus que ce phénomène est récurrent dans l’histoire de notre planète, cependant l’ampleur du dérèglement actuel est inédite par sa rapidité. C’est ce qu’illustre la notion d’Anthropocène, littéralement « Ère de l’Humain », qui désigne une nouvelle ère climatique caractérisée par l’influence des activités humaines sur le climat et l’environnement. Ce réchauffement est inégal autour de la planète et les régions polaires particulièrement touchées. La banquise arctique s’est réduite de 40% en 30 ans. En 2020, il a fait 38°C en Sibérie, alors que la température moyenne à cette période gravite autour de 0°C [2].
Les peuples autochtones sont ainsi en première ligne, alors même qu’ils n’en sont pas responsables. Si des adaptations de leur part semblent nécessaires, une redéfinition totale de leurs modes de vie est-elle obligatoire ? Auront-ils même suffisamment de temps pour s’adapter alors que des conséquences sont déjà bien visibles sur leur environnement ? Et quel rôle nos sociétés modernes, apparemment porteuses de progrès, peuvent-elles jouer dans ces enjeux dont elles sont responsables ? En somme, les adaptations des peuples arctiques au réchauffement climatique pourraient-elles permettre le maintien de leur identité autochtone ? Nous expliquerons dans un premier temps en quoi la présente crise environnementale apparait comme un obstacle au maintien des pratiques traditionnelles, puis nous réfléchirons aux réponses culturelles internes qui marquent la résilience des sociétés arctiques face au changement. Enfin, nous nous intéresserons aux dynamiques entre le monde occidental et le monde indigène et leurs impacts sur l’adaptabilité des peuples du Grand Nord.
Pays riverains, principaux peuples autochtones et frontières dans l'Arctique // Source : Enyclopaedia Universalis France | |
[1] Pinto-Guillaume Ezequiel, 2015, BEYOND LINEAR EXPLANATION, Université de Stockholm., p.
[2] Deluzarche Céline, « Incroyable : il a fait 38 °C en Arctique ce week-end ! »,. Futura Sciences. Adresse : https://www.futura-sciences.com/planete/breves/meteorologie-incroyable-il-fait-38-c-arctique-ce-week-end-2762/ [Consulté le : 6 mars 2021].
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