Première Partie : L'apparition d'une alternative thérapeutique où l'animal prend place entre le thérapeute et le patient

 


A) La
A) La naissance de cette pratique

Bien que le développement des sociétés humaines ait parfois eu tendance à exclure les animaux de leur organisation ou tout du moins de les parquer exclusivement dans certains contextes en fonctions de leurs espèces notamment, les contacts entre les êtres humains et les animaux ne sont pas inexistants. Grâce à ces rapports, certaines personnes se sont rendu compte très tôt que la présence d’animaux apaisait des personnes malades atteintes de toute sorte de souffrance psychologique ou non. C’est donc dès la fin du XVIIIe siècle que, dans quelques asiles psychiatriques anglais, les patients étaient en contact avec des lapins pour le permettre d’interagir sereinement avec d’autres êtres vivants. La pratique a ensuite continué à se développer durant une grande partie du XIXe siècle. L’organisation des Commissaires bienfaisant britanniques (British Charity Commissioners) a d’ailleurs suggéré en 1830 d’améliorer les conditions de vie des patients internés dans des asiles en y introduisant des animaux comme des moutons, des lapins, des singes ou d’autres animaux domestiques sociaux. Une infirmière très connue de cette période, Florence Nighthingale, a aussi fait l’éloge de la compagnie des animaux auprès de personnes malades. Ces modes de fonctionnement se sont ensuite répandu un petit peu dans le reste de l’Europe : en 1867, à Biefield en Allemagne, les animaux prenaient une part très importante du traitement de patients souffrant d’épilepsie (Altschiller, 2011, p. 4)

Photographie d'un asile psychiatrique londonien, The Claybury Asylum

    Cependant le terme de zoothérapie ou « pet therapy » est introduit pour la première fois en 1961 par le docteur et psychologue américain Boris Levinson. C’est lors de séances avec un enfant qu’il suivait que le Dr Levinson se serait rendu compte de l’effet apaisant et rassurant sur l’enfant qu'instaurait la présence de son chien durant les rendez-vous. De prime à bord, les autres professionnels ont questionné ses résultats et leur fiabilité mais le psychologue a continué de défendre son idée et à la partager massivement. Il a écrit plusieurs ouvrages sur le sujet les années suivantes tel que Pet-Oriented Child Psychotherapy et Pets and Human Development. Ses livres précurseurs vont ensuite inspirer de nombreux chercheurs et permettre de lancer l’apparition de nouveaux champs de recherche étudiant particulièrement l’apport bénéfique des animaux dans des démarches thérapeutiques. Ses premières intuitions ont ensuite été corroborées par des nombreux articles récents. Par exemple, en 1977, le couple de psychologues Samuel et Elizabeth Corson a mené une étude, auprès d’adolescents hospitalisés pour des troubles mentaux, en leur demandant durant des séances de s’occuper d’animaux de leur choix. Les résultats ont alors été très impressionnants : sur les 50 jeunes patients 47 ont pu, suite au traitement quitter l’hôpital grâce à une amélioration de leur comportement (Altschiller, 2011, p. 3 et p.5).

    Depuis les publications du docteur Levinson, les techniques d’approche et d’étude du sujet de la zoothérapie, au sein de ces nouveaux champs de recherche, ont beaucoup évolués. Le sociologue français Jérôme Michalon a donc établi des distinctions entre les différents regards ayant été portés sur les animaux dans le cadre des thérapies assistées par les animaux depuis les années 60. Il détermine donc qu’entre 1962 et 1985, l’animal dans les traitements était un animal contingent, c’est-à-dire que cet animal créait un effet de surprise chez le patient. Ce dernier s’y intéressait alors et sa distraction permettait ensuite au thérapeute de réaliser un traitement habituellement impossible. A partir du milieu des années 80, cette image change : l’animal devient alors apprécié comme un animal contrôlable. Jusque dans les années 2000, l’animal n’est alors considéré que comme un élément d’environnement lambda d’un traitement et les chercheurs s’attachent donc à étudier si ce nouvel élément de décor a un impact réellement significatif dans les thérapies. Il semblerait enfin qu’entre le début du XXIe et la fin des années 2010, la tendance des scientifiques est d’étudier les animaux en tant qu'animaux sociaux et de questionner tout particulièrement les liens et relations entre le patient et l’animal thérapeutique (Michalon, 2010, p. 11- p.16).

Une enfant souffrant de trisomie et un chien partageant un moment d'amitié

B) Le développement actuel encadré de la zoothérapie

    Actuellement, le terme définissant l’ensemble des pratiques concernant la mise en relation thérapeutique d’un patient et d’un animal est très compliqué à trouver, il en existe plusieurs. Dans cet essai, le mot de zoothérapie sera utilisé de manière prédominante pourtant les termes médiation animal et thérapie assistée par l’animal seront peut-être aussi utilisé et sont synonymes. Il existe encore d’autres termes plus nombreux dans la langue anglaise. Ces confusions de vocabulaire peuvent engendrer ensuite des confusions dans les définitions. Selon le syndicat français des zoothérapeutes, (La zoothérapie | Syndicat Français des Zoothérapeutes, 2018), la zoothérapie se définit comme « une médiation qui se pratique professionnellement en individuel ou en petit groupe […], à l'aide d'un animal familier, consciencieusement sélectionné et éduqué, sous la responsabilité d’un professionnel, […] dans l'environnement immédiat de personnes chez qui l'on cherche à éveiller des réactions visant à maintenir ou à améliorer leur potentiel cognitif, physique, psychosocial ou affectif ». Pour d’autres professionnels de ce champ, il est aussi très important de différencier les pratiques de thérapie assistée par l’animal et les activités assistées par l’animal. La différence repose principalement sur le fait que les activités assistées n’ont pas de but précis de guérison ou d’amélioration à long terme et l’animal y a simplement un rôle d’accompagnement dans des tâches concrètes et courtes (Altschiller, 2011, p. 24).

    Pour revenir à la zoothérapie, ces médiations par l’animal sont toujours une relation au moins triangulaire : composé d’un encadrant, de l’animal et du patient. Il est explicitement dit que les encadrants en zoothérapie sont des professionnels formés pour la pratique sur le site du syndicat des zoothérapeutes français, pourtant il ne précise pas vraiment quelle formation est requise… La pratique étant plutôt récente, il reste un flou quant à la reconnaissance et fiabilité des zoothérapeutes indépendants. Les qualifications des professionnels dépendent donc la plupart du temps de la nature des programmes de thérapie. Par exemple, pour les thérapies prenant place dans les cliniques de santé psychiatrique, les encadrants présents lors des séances sont des aides-soignants ou des infirmiers ayant l’habitude du contact avec les animaux. En revanche les séances de zoothérapie sont prescrites par des médecins aux patients de l’institution. Dans le cadre d’un autre programme d’équithérapie (médiation par les chevaux) dans une prison, il n’est pas exigé de l’encadrant d’avoir une formation en santé, il peut avoir une formation dans le milieu de l’équitation (Gateau, 2016).

Programme de zoothérapie dans une école en Pennsylvanie avec une bénévole encadrante. 

    Les patients participant aux thérapies assistées par l’animal sont, tout naturellement, eux aussi une grande part de cette relation. C’est d’ailleurs souvent en fonction du patient que la zoothérapie se révèle effective ou non. En effet, dans quelques programmes que ce soit, il est nécessaire que l’animal thérapeutique et le thérapeute soient parfaitement adapté à la personnalité et aux troubles du patient. Le traitement pour un enfant autiste est très différent d’un traitement pour un détenu. Il est donc nécessaire que la personnalité de l’animal et du patient soient compatibles, qu’elles soient similaires ou complémentaires. Un programme de zoothérapie avec des chiens dans une résidence médicalisée a révélé un cas très intéressant sur ce sujet, une patiente âgée souffrant de troubles mentaux avec un caractère envahissant (voix forte et stridente, grands gestes) qui lui empêchaient parfois de vivre sereinement avec les autres résidents s’est prise d’amitié avec une chienne très timide et apeurée à laquelle, au début des séance, elle faisait peur. Pourtant au fur et à mesure du traitement, la patiente voulant être acceptée par l’animal est devenue plus calme et que ce soit en séance ou en dehors, son comportement s’est grandement amélioré (Andryushchenko-Basquin et Chelly, 2017, p. 6). Cet exemple montre la nécessité de la compatibilité des patients et des animaux.

C) Les conséquences et controverses qu'elle engendre

    Bien que certains programmes de zoothérapie aient montré de réels effets à long termes chez certains patients parfois nombreux comme dans les exemples précédemment développés, elle reste parfois très critiquée et légitimement. Les thérapies assistées par les dauphins ont été beaucoup remises en question pour plusieurs raisons, elle rassemble la plupart des grandes critiques faites à la pratique. Tout d’abord du point de vue du bien être animal, à chaque fois que cette thérapie à tenté de se mettre en place les dauphins étaient retenus en captivité dans des centres aquatiques où les conditions de vie des êtres marins sont souvent déplorables. Du point de vue de son efficacité, celle-ci est très débattue. En effet, certaines études sur les programmes manquaient de rigueur scientifique en ne relatant que des expériences « anecdotiques » selon Merope Pavlides un psychologue spécialisé dans le traitement de l’autisme même s’il semblait tout de même que dans l’ensemble elle pouvait peut-être aider des enfants autistes. Pourtant ce doute est très important, qui plus est au vu du programme élevé de ce traitement : 2000$ pour 5 jours dans l’institution américaine Island Dolphin Care (Altschiller, 2011, p. 16).


    Ces questionnements sur la fiabilité des résultats dans les traitements de zoothérapie restent, aux yeux du grand public, le plus vaste problème. La plupart des personnes ont tendance à considérer les traitements de zoothérapie expérimentaux ou innovants comme du charlatanisme. Ce point de vue peut s’expliquer dans le cadre de la thérapie assistée par les dauphins à cause de son prix et du débat scientifique autour de la rigueur des expériences mais beaucoup d’autres programmes sont concernés par ces polémiques aussi. Il peut parfois être facile si l’objectif d’une thérapie est « l’amélioration en générale de la condition du patient » de considérer le moindre élément comme un succès (Altschiller, 2011, p. 40). De plus les réussites de ses programmes sont souvent difficiles à généraliser, un type particulier de séances fonctionnera très bien pour un trio d’acteurs et pas du tout si l’on change un des acteurs impliqués. Ces manques de preuves concrètes empêchent certains programmes de se faire une place durable dans le monde médical.

    Les débats sur le bien-être animal peuvent être, eux aussi, se généraliser à tous les animaux utilisés en thérapie, pas seulement ceux ayant besoin de conditions de vie très particulière comme les dauphins. De nombreuses questions peuvent se poser : pour les chiens, par exemple, qui, malgré leur proximité importante avec les êtres humains, peuvent aussi souffrir lors des séances de zoothérapie. Tous les chiens ne sont pas adaptés pour la zoothérapie. Pour une thérapie saine pour les 3 acteurs, il est nécessaire que l’animal reste « contrôlable, fiable et prévisible » (Andryushchenko-Basquin et Chelly, 2017, p. 3). Dans la zoothérapie, on demande aussi aux animaux d’aller à l’encontre de leur comportement plus habituel, en enfermant par exemple le chien dans une pièce lors des séances, ce qui est une nouvelle fois éthiquement questionnable. Le patient, s’il est trop instable (de même pour l’animal), peut réagir de manière violente et mettre en danger l’animal ou le patient. Dû à toute ces contraintes, il est possible que l’animal ressente du stress et le montre dans son comportement, il est donc essentiel que l’encadrant soit réellement formé en éthologie pour comprendre l’animal de thérapie et éviter tout débordement possiblement violent. Tous ces points inquiètent. Mais le plus problématique est peut-être l’exploitation pure et simple des animaux dans ces programmes de fait certains encadrants témoignent en utilisant les termes « travail », « pause » ou encore « fatigue » pour les animaux impliqués (Gateau, 2016). Ces discutions sur le bien-être de l’animal en zoothérapie lance de nombreuses réflexions sur le rôle précis et complexe que joue l’animal dans un traitement.


Bibliographie :

Altschiller, D. (2011) Animal-Assisted Therapy. ABC-CLIO.

Andryushchenko-Basquin, I. and Chelly, S. (2017) ‘Le rôle d’un animal dans le processus thérapeutique : quel « profil » pour quel objectif ?’, Psychotherapies, Vol. 37(2), pp. 71–79.

Helène Gateau (2016) La médiation animale - Envoyé spécial. Available at: https://www.youtube.com/watch?v=h0Pjf6exAgU&t=3s (Accessed: 19 February 2021).

La zoothérapie | Syndicat Français des Zoothérapeutes (2018). Available at: https://www.syndicatfrancaisdeszootherapeutes.fr/la-zootherapie-2 (Accessed: 4 March 2021).

Michalon, J. (2010) ‘Les relations anthropozoologiques à l’épreuve du travail scientifique. L’exemple de l’animal dans les pratiques de soin’, Societes, n° 108(2), pp. 75–87.

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