Le groupe des Tanukis (de gauche à droite) : Taymiyah, Alice, Juliette et Inês in Pompoko de Isao Takahata
« Quand l’homme rompt l’équilibre du monde, la forêt fait d’énormes sacrifices pour rétablir cet équilibre ». Cette citation extraite du film Nausicäa de la Vallée du Vent produit par le studio Ghibli annonce la couleur : pour Hayao Miyazaki, fondateur du studio avec Isao Takahata, les êtres humains représentent un danger pour la Nature personnifiée et les animaux car ils menacent leur existence. Leur ambition industrielle et leur égoïsme dégradent l’environnement, qui se réveille dans une revanche fatale et un combat pour sa survie. Cette thématique chez Miyazaki est un cri d’urgence face à « l’écocide ». Dès lors, à en juger par la place accordée aux bêtes et bestioles et aux messages forts qu’ils véhiculent dans leurs films, les studios Ghibli semblent nous offrir un vrai plaidoyer animalier.
En effet, Miyazaki et Takahata présentent un message écologiste dans leurs films où la nature semble avoir repris le contrôle. Par ce biais, ils tentent de montrer aux spectateurs l’impact qu’ils peuvent avoir sur cette nature et notamment les impacts négatifs, dans l’espoir de nous questionner par rapport à nos relations à l’environnement et aux animaux. Ils s’adressent en priorité aux enfants, public-cible qui est le principal concerné par l’avenir de la planète. Ils plaident en dessinant des paysages apocalyptiques et en abordant implicitement les thématiques du nucléaire ou de notre rapport à l’animal. Ainsi, ils s’affirment en faveur d’une individualisation de leur conscience.
Nous porterons alors notre regard sur les bêtes et bestioles présentes dans les courts et longs métrages animés du studio Ghibli. Il s’agit d’esprits, de démons et de monstres aux allures plus ou moins animalières, créatures fictives fruits de l’imaginaire des créateurs. L’abondance en yokai et tanuki, le personnage de Calcifer dans Le Château ambulant - chaque élément laisse transparaître une réelle fascination pour ces êtres, personnages importants et singuliers dans chaque opus. Ce bestiaire est par ailleurs intimement lié aux traditions spirituelles et populaires japonaises. Enfin, l’animisme de Miyazaki insuffle une force vitale en chaque être vivant, objet et élément naturel de plusieurs films Ghibli. Mais si le respect pour ces créatures semblait indubitable par le passé, qu’en est-il au cœur d’une société japonaise industrialisée ? Nos relations avec les animaux et la nature en général paraissent alors plus conflictuelles voire agonistiques. Si on leur reconnait une sentience – « pour un être vivant, capacité à ressentir les émotions, la douleur, le bien-être, etc. et à percevoir de façon subjective son environnement et ses expériences de vie » [1] - et une personnalité complexe, quels comportements adopter de nos jours face aux animaux ?
Le concept d’éthique animale tient compte de leur bien-être au regard de leur intelligence et conscience. On s’écarte de l’anthropocentrisme qui appréhende la réalité à travers la seule perspective de l’espèce humaine. Toujours dans ce sillage, le droit animal fixe des limites et établit des réglementations plus ou moins respectueuses selon les États. Plus loin encore, des mouvements antispécistes se dressent contre l’idée selon laquelle l’espèce humaine serait supérieure aux espèces animales, se réservant alors le droit d’exploiter les animaux dont les intérêts sont jugés comme inférieurs.
Il semble ainsi pertinent de questionner le discours animaliste des réalisateurs. Bien qu’étant réalisés par des humains issus d’une culture anthropocentrée globale et d’une société industrialisée, en quoi les films du studio Ghibli constituent-ils un plaidoyer animiste qui fait écho aux combats politiques actuels en faveur de l’environnement ?
[1] Guillaume, Astrid. « Le mot sentience entre dans le Larousse 2020 ». La Fondation Droit Animal, Ethique et Sciences, 22 juillet 2019. https://www.fondation-droit-animal.org/102-le-mot-sentience-entre-dans-le-larousse-2020/.
Aucun commentaire