Aujourd'hui, lundi 8 mars, c'est la journée internationale des droits des femmes. Je voudrais vous parler de cette journée mais surtout de l'initiative du lycée Henri IV d'en faire une "journée de la jupe", et de pourquoi elle pose problème.
Cette journée donne lieu chaque
année à des manifestations et des campagnes de sensibilisation à travers le
monde, afin de faire un bilan sur la situation des femmes dans la société et de
revendiquer plus d’égalité en droits. Dans plusieurs pays, elle est un jour
férié. Mais dans beaucoup d’entre eux, cette journée est davantage une
« fête de la femme », où on envoie des cartes et des fleurs aux
femmes de son entourage en leur souhaitant bonne fête.
L’idée d’une journée nationale des femmes est initiée en 1909 aux Etats-Unis, puis se transforme en journée
internationale en 1911. Elle est pour la première fois officialisée par la Russie
soviétique en 1921, où elle devient un jour férié mais non chômé jusqu’en 1965.
Globalement, l’évènement reste jusqu’à la fin des années 1960 cantonné aux pays
du bloc socialiste de la Guerre Froide. Il sera repris plus largement lors de
la deuxième vague féministe à la fin des années 1960 et durant les années 1970.
En 1977, les Nations Unies officialisent la journée, invitant tous les pays du
monde à la célébrer le 8 mars. Elle fait partie des 87 journées internationales
reconnues par l’ONU.
A
l’origine, je trouve que c’est une très bonne chose d’avoir une journée
commémorative pour célébrer les luttes accomplies, se souvenir des inégalités
et discriminations à ne pas reproduire, et prendre conscience des problèmes qui restent à régler concernant l’égalité des sexes. Mais cette journée est trop
souvent mal interprétée. Le surnom abrégé « journée de la femme » en
est le signe frappant. Non, le 8 mars, on ne célèbre pas la femme comme on
célèbre la fête des mères, des pères, ou encore des amoureux. Le 8 mars, on
célèbre des luttes sociales, des droits. Donc offrir des fleurs aux femmes de
votre entourage ne va en rien faire avancer la cause féministe. J’ai déjà été
témoin d’une distribution de fleurs aux femmes dans un aéroport, un 8 mars, et
étais effarée de l’absurdité de cette démarche. Le militant féministe Naëm
Bestandji déplore que cette déformation « détourne l’objectif du 8 mars à
l’avantage du machisme et du patriarcat ».
Je
voudrais surtout parler de ce qu’en a fait le lycée Henri IV. La journée
internationale des droits des femmes s’est soudainement métamorphosée en
« journée de la jupe ». Une amie m’a demandé : en quoi mettre
une jupe c’est lutter pour les droits des femmes ? Je n’ai malheureusement
pas su lui répondre. En effet, c’est un moyen d’afficher son soutien aux
femmes, cependant c’est aussi ramener la femme à un stéréotype. La jupe,
c’était l’habit quotidien des femmes avant d’obtenir le droit de porter des
pantalons. Alors pourquoi revenir en arrière en l’imposant à tout le
monde ?
Donc non, je ne suis pas venue en
jupe ce jour-là. J’ai vraiment réfléchi à l’action menée, si elle pouvait avoir
un effet bénéfique ou non. Et j’en ai conclu que c’était surtout l’envie de
suivre aveuglément les autres, pour se proclamer en soutien aux femmes et aux
causes féministes, mais sans réfléchir réellement à la question. Je ne blâme
pas celles et ceux qui l’ont suivi, de toute façon on est bien libres de
s’habiller comme on le souhaite, mais en tant que féministe convaincue, je
refuse de suivre ce mouvement qui n’est fondé sur aucune justification
féministe ni politique.
Cependant, j’ai tout de même été
agréablement surprise du nombre d’hommes ayant mis une jupe. Je trouve cet acte
courageux, car on a pas l’habitude de le voir. Au sein du
lycée, ils étaient beaucoup, mais j’imagine que certains ont dû subir des
regards dans la rue ou dans les transports. Enfin, certains s’aventurent à briser
les codes vestimentaires genrés ! J’ai entendu un homme de ma classe dire « C’est
la première fois que j’en mets et je trouve ça trop stylé en fait, j’en mettrai
plus souvent. » Même si ce n’est pas forcément l’objectif de cette
journée, ça peut lancer de nouveaux styles hors des conventions de genre, je
pense que ça a un bon côté.
De plus, on peut peut-être le
voir comme un mouvement collectif de soutien pour les femmes qui n’osent pas
mettre de jupe par peur du regard masculin, du harcèlement de rue, de la
culture du viol, et aussi des règlementations vestimentaires parfois exagérées
dans les établissements scolaires. S’habiller tous ensemble en jupe, c’est
vaincre ses peurs par le groupe, pour rappeler qu’on est en droit de s’habiller
comme on le souhaite et que ça ne justifie aucun comportement injurieux ou
lubrique.
Le problème principal, c’est la
manière dont cela a été mené. L’affiche ne donne aucun argument, elle dit
juste : c’est la journée internationale des droits des femmes, donc venez
en jupe (voir ci-dessus). C’est un peu réducteur quant aux droits des femmes,
et on sent que le lycée a voulu faire le geste minimum pour se donner bonne
conscience.
Alors comment célébrer
correctement cette journée ? C’est une question difficile étant donné
l’avancée des droits féminins et le progrès qui a été fait vers l’égalité. On a
plus vraiment de droit à revendiquer au niveau de la loi. Cependant, il est
toujours important de prendre conscience de la réalité des faits, de se
renseigner sur les manques à pallier, les problèmes à résoudre. J’ai apprécié
par exemple l’initiative d’élèves de coller des affiches de statistiques dans
les toilettes du lycée (voir ci-dessous).
Mais en tout cas, les droits des femmes ne se résument pas à porter des jupes.
Article rédigé par Danaé Roques, CPES1B Humanités, le 8 mars 2021.
Bibliographie :
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