Joyeuse Journée Internationale des droits des femmes

Premières de corvées»: manifestation à Paris pour la Journée internationale  des droits des femmes - vidéos - Sputnik France
Photo de la manifestation de ce 8 mars pour la Journée Internationale des droits des femmes

 

    

         Je me suis toujours questionnée quant à l’efficacité des manifestations. Je m’y rends depuis la fin du collège quasiment. J’ai pratiquement pu établir une échelle de risque des manifestations, si bien que des habitudes demeurent : rester à côté des chars syndicalistes, éviter les black blocs à l’avant pour éviter les gaz lacrymogènes et les nasses, et repérer les street-médics (médecins de manifestations) au cas où.  Néanmoins, les manifestations féministes auxquelles j’ai assisté étaient en général dénuées de black blocks, et beaucoup moins sujettes à des charges et des encerclements de la part de la police, bien qu’une auxquelles je sois allée s’est terminée par quelques interpellations musclées. Cette diminution des actions policières (nasses, lacrymogènes) est peut-être due d’une part à l’absence de black blocs, et puis à la mauvaise publicité que cela ferait aux policiers de violenter des femmes déjà violentées, ou bien simplement au fait que les cortèges suivent le chemin annoncé, et se dispersent en temps voulu ? Je n’en sais rien.

 

Quoi qu’il en soit, bien que la manifestation soit un moyen efficace de se défouler, de crier son ressentiment et ses revendications ainsi que donner à voir son existence et montrer qu’on occupe l’espace public, je désespère de plus en plus de l’inefficacité politique de celles-ci. Elles n’ont aucun impact sur les actions des gouvernements successifs, qui suivent leur cours aveuglément, sans aucune remise en question.

 

Voilà le problème : si nous voulons une évolution des mentalités, il faut impacter les mentalités, revoir nos programmes scolaires, nos formations de professeurs, notre vocabulaire. Mais pour faire cela, il faut soit convaincre ceux au pouvoir, soit conquérir plus ardemment ce pouvoir. Pour les convaincre, nous avons déjà dit ô combien les manifestations et sensibilisations semblent inutiles, tout comme les concertations semblent stériles. Tout ce que le mouvement féministe aura ainsi retenu cette année sont les fameux numéros verts mis à disposition pendant un temps (encore faut-il des individus qui répondent aux femmes en détresse, et qui soient bien formés) puis retransformés pour une autre utilisation mais bon, c’est le geste qui compte après tout. Du côté du gouvernement actuel, on fait face à un ministre de l’intérieur accusé de viols, un ministre de la justice peu sensible aux revendications féministes, une ancienne secrétaire d’état à l’égalité femme-homme trop complaisante, et des ministres de l’enseignement qui font la chasse aux sorcières islamo-gauchistes. Pour le « quinquennat de l’égalité femme-homme », on repassera donc.

 

Le recours restant est donc d’infiltrer le pouvoir politique : se hisser au pouvoir. Néanmoins, pour ce faire, il faut accepter de passer encore et toujours par des institutions et des modes de pensée qui valorisent les hommes et les comportements socialement construits comme masculins, tout en minimisant les comportements problématiques des hommes - comme le commun refus de traiter les affaires de harcèlement, viols et agressions dans l’enseignement secondaire et supérieur. Alice Coffin racontait alors dans une interview des Couilles sur la Table à quel point il est difficile d’être en charge d’un article se rapportant à la cause féministe ou LGBTQIA+ lorsque l’on est nous-même catalogué comme sensible à ces causes, alors que cela fait de la journaliste l’une des personnes les mieux renseignées dessus dans la rédaction. Mais l’article est plutôt confié à un homme, cisgenre, hétérosexuel, qui aurait LE point de vue neutre. Rappelons par acquis de conscience qu’un point de vue n’est jamais neutre car nous avons tous plus ou moins des opinions sur chaque sujet, et le fait de ne pas être directement concerné par un sujet ne fait pas de nous une personne neutre, mais une personne moins légitime dans sa parole puisqu’on ne vit pas la réalité de celleux concerné·e·s. Alors autant donner la parole aux concerné·e·s, aux plus renseigné·e·s.

 

Il faut donc accepter de plier l’échine pour rentrer dans les cases acceptées. Mais quand bien même on réussirait ce défi, quand bien même on arriverait à adopter des comportements auxquels nous n’avons pas été habitué·e·s, quand bien même on accepterait la sous-représentation des minorités dans les programmes de philosophie, d’économie, de français, l’absence de représentation du clitoris dans les manuels de SVT, plus généralement l’absence de remise en question de la part de ces institutions dont l’école et ses professeur·e·s refusant de genrer correctement leurs élèves et continuant d’appeler les femmes « mademoiselle » et les hommes « monsieur » ou « jeune homme » - se rapportant toujours de manière implicite au statut marital d’une femme, qui acquière un nouveau statut et un nouveau nom si elle se marie ou non, là où un homme n’est plus appelé « damoiseau ». Le langage et les représentations ne sont pas neutres, elles viennent d’une société gouvernée par les hommes et faites pour les hommes. 

 

Et quand bien même nous aurions le pouvoir, nous devrions attendre encore longtemps, car s’il y a bien quelque chose que j’ai retenu de mes cours de SES, c’est qu’il n’y a rien de plus long que le progrès culturel. Puisque le seul rayon de soleil semble être l’acquisition du pouvoir, alors imaginons que par le plus grand des miracles, cela se produise. Au pouvoir, les féministes pourront modifier les programmes scolaires et réformer les institutions. Mais le progrès sera bien trop long lorsque l’on voit par exemple qu’au rythme actuel, l’égalité des salaires entre hommes et femmes ne sera atteinte qu’en 2233 selon le collectif Les Glorieuses.

 

Mais moi, mais nous, nous voulons tout et tout de suite, nous, les petites Antigones. Nous considérons avoir assez attendu, avoir assez entendu d’injures et de remarques sexistes, assez de récits d’agression de la part de nos adelphes. Il serait par exemple édifiant de faire un sondage anonyme en début d’année de seconde dans chaque classe pour voir combien de femmes ont déjà subi une agression sexuelle. Les plus surpris seraient alors les hommes je pense. De la même manière, combien d’hommes ont peur en rentrant chez eux, seuls, le soir ? Les femmes n’ont pas ce luxe de pouvoir se promener à toutes heures et en tous lieux, seules, car être une femme seule (ou non accompagnée d’un homme) dans l’espace public, c’est être une femme que les hommes se permettent d’intimider et de harceler. L’espace public n’est alors pas si public, et les femmes connaissent une deuxième charge mentale : celle consistant à éviter certains endroits, à certaines heures, en étant seule, et à éviter de porter une certaine tenue.

 

J’estime que nous avons fait notre part, que nous avons assez revendiqué, crié, pleuré. Mais l’autre côté ne suit pas. Les plus âgé·es d’abord ne suivent pas, coincé·e·s pour beaucoup dans leurs constructions genrées. L’espoir se place alors dans les plus jeunes, mais même les plus jeunes ne suivent pas unanimement, éduqués par leurs parents dont nous venons de parler, et par les institutions comme l’école qui n’ont pas encore entamé le travail nécessaire pour atteindre l’égalité. 

 

Je perds donc espoir, et bien que les paroles se libèrent de plus en plus, elles traduisent malheureusement la réalité sexiste qui nous entoure.  Et bien que les paroles se libèrent, la justice ne suit pas. Ainsi, comme d’habitude - dirait Claude François qui préfère les filles « jusqu’à 17, 18 ans. [Car ensuite] Les filles commencent à réflé­chir, elles ne sont plus natu­relles » - la société civile a du mal à condamner la culture du viol et les comportements sexistes, et la justice qui pourrait montrer l’exemple a du mal à se former et se réformer pour mieux condamner et prendre en charge ces atteintes-là. 

 

Néanmoins, même si la solution idéale n’existe pas, je ne désespère pas totalement de trouver une issue, car la solution pour accélérer le changement de paradigme est encore à chercher et à inventer. Seulement, en ce jour comme en d’autres jours, j’ai tendance à voir le verre à moitié vide plutôt qu’à moitié plein.

 

Article rédigé par Alice Malak, du groupe Tanukis, CPES1A, le 8 mars 2021.

 

 

Bibliographie :

 

« À partir de ce 4 novembre, à 16h16, les femmes travaillent bénévolement jusqu’à la fin de l’année ». Consulté le 8 mars 2021. https://www.novethic.fr/actualite/social/discrimination/isr-rse/a-partir-d-aujourd-hui-les-femmes-travaillent-benevolement-jusqu-a-la-fin-de-l-annee-149165.html.
 
Pourquoi l’info va mâle - Les Couilles sur la table - Binge Audio. « Pourquoi l’info va mâle - Les Couilles sur la table - Binge Audio ». Consulté le 8 mars 2021. https://www.binge.audio/podcast/les-couilles-sur-la-table/pourquoi-linfo-va-male.
 
ladepeche.fr. « Claude François : une fan raconte son idylle avec le chanteur à l’âge de 14 ans ». Consulté le 8 mars 2021. https://www.ladepeche.fr/article/2018/02/08/2738548-claude-francois-fan-raconte-idylle-chanteur-age-14-ans.html.
 

 

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