Introduction : la représentation de concepts mathématiques dans le règne animal



 L’intelligence animale, un oxymore ? « Bête comme une oie », « Tête de linotte », « Quel âne ! » : nombreuses sont les expressions qui abrutissent les animaux. Simple idée populaire ou véracité scientifique ? Et si les animaux étaient eux aussi capables de manier la science la plus humaine qui soit, « la science de l’irréel » [1] : les mathématiques ?

Il nous faut préciser ce que signifie  « manier les mathématiques ». De nombreux « objets mathématiques » existent : les ensembles, les nombres, les structures, etc. Manier les mathématiques revient donc à comprendre et utiliser ces objets, en y appliquant par exemple des opérations. L’humain a défini ces objets à partir d’un nombre minimal d’axiomes, propriétés admises vraies car indémontrables. Ces objets sont en conséquence intrinsèquement liés à l’humain, ce qui amène à penser que lui seul peut les manier. Est-ce réellement le cas ? Cette vision commune des mathématiques, très anthropocentrée, nous invite à nous intéresser aux capacités mathématiques chez l’animal au sens large, car trouver un seul exemple d’animal qui puisse utiliser des objets mathématiques amènerait à revoir complètement la thèse selon laquelle les capacités mathématiques sont inhérentes à l’humain.

Une première approche est de se demander quand et comment sont apparues les mathématiques chez l’humain. Il est difficile d’y répondre car on manque de sources sur cette question (Keller 2001). On peut quand même supposer que les premières utilisations d’objets mathématiques répondaient avant tout à un besoin de l’humain : par exemple celui d’évaluer les ressources à sa disposition. Ainsi, si les mathématiques naissaient spontanément chez une espèce animale, on peut imaginer que cela serait aussi en réponse à une situation qui y fait appel.

            Cependant, ce n’est pas la seule condition : en plus de ressentir le besoin d’utiliser les mathématiques, il faut également en avoir les capacités. En effet, manier les mathématiques nécessite d’avoir un système cognitif suffisamment élaboré pour pouvoir conceptualiser des idées. Les mathématiques sont bien une science de l’irréel : il n’existe pas à l’état naturel de concepts ou d’objets mathématiques, seulement des situations réelles que l’on peut associer à ces concepts irréels (Giardino 2017), ce qui est une tâche complexe.

            Dans quelle mesure les animaux peuvent manier des concepts et objets mathématiques, alors même que ceux-ci ont étés définis par l’humain ? Dans un premier temps, nous justifierons qu’il est possible de parler de ce que l’humain a défini comme mathématiques chez les animaux. Dans une seconde partie, nous nous demanderons quels sont les prérequis cognitifs aux raisonnements mathématiques chez les humains et animaux. Enfin, nous étudierons la façon dont l’animal peut utiliser des objets mathématiques pour répondre à ses besoins.


[1] Citation attribuée à Ernest Renan (1823-1892)

 

Bibliographie 

Olivier Keller, 2001 « Préhistoire de la géométrie : le problème des sources »

Giardino Valeria, 2017, « L’imagination manipulatoire en mathématique »,. Bulletin d’Analyse Phénoménologique

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