Conclusion - Visibilités et invisibilités animales : la mise à l'épreuve de l’anthropocentrisme


L’invisibilité physique et métaphorique des animaux constitue un processus complexe, qui paraît même paradoxal. L’invisibilité physique résulte d’une absence matérielle des animaux dans les territoires dits humains mais également d’une inattention de ces derniers par la territorialisation. Néanmoins, cette invisibilité physique entretient elle-même l’anthropocentrisme dans son idée directrice que les humain.e.s vivent dans un monde unique.

L’anthropocentrisme génère une invisibilité métaphorique lorsque les individualités animales ne sont pas interrogées, voire niées. La perception de l’animal comme être instinctif, l’Autre, le « plus autrui des autrui » (Lévi-Strauss) et le rapport de domination établi empêchent de concevoir les subjectivités animales.

La visibilité matérielle des animaux constitue néanmoins une forme d’anthropocentrisme parce qu’elle est souvent forcée. Elle alimente les rapports de domination et masque les subjectivités animales puisque les projections anthropomorphiques annihilent l’altérité des animaux. Appréhender les perspectives animales réside, outre la visibilité physique, dans de nouvelles connexions entre humain.e.s et non-humain.e.s. Puisque l’anthropocentrisme est inévitable, il s’agit de concevoir une écologie de la réconciliation par la création de nouvelles narrativités et l’acceptation d’un monde partagé, où les êtres sont co-habitants.

Ces communautés hybrides sont d’autant plus importantes car les animaux sont de plus en plus visibles et partagent des territoires avec les humain.e.s, présence jusqu’alors invisible. L’amenuisement des territoires animaux (Delmas) résultant de l'anthropisation des milieux entraîne en effet une inévitable coexistence entre animaux et humain.e.s et la nécessité de « composer avec » les animaux.




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Corinne Delmas, « Vinciane Despret, Quand le loup habitera avec l’agneau », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, mis en ligne le 21 août 2020, consulté le 07 mars 2021. URL : http://journals.openedition.org/lectures/43163 ; DOI : https://doi.org/10.4000/lectures.43163








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