Photographie : Image libre de droit
L’animal, indépendamment de sa personnalité, vu à travers des caractéristiques générales
L’animal possède des fonctions ; il est vu de différentes manières en fonction des contextes. C’est d’ailleurs plus la situation qui définit les fonctions de l’animal, plutôt que l’animal en soit. On peut distinguer trois types d’animaux : l’animal utilitaire, l’animal de compagnie et l’animal familier (Montagner, 2002). La relation utilitaire peut se développer avec les espèces qui procurent des ressources alimentaires, les protègent ou facilitent l’exploitation des ressources alimentaires. Cette relation a une visée purement économique. D’autre part, l’animal de compagnie remplit une fonction de narcissisme ; il doit procurer un sentiment d’apaisement, de sécurité, faisant de l’animal un être « potiche-miroir ». Finalement, l’animal familier est perçu comme un individu quasiment humain. Cinq espèces peuvent permettre l’existence de ce lien : les perroquets, les chevaux, les chiens, les chats et les dauphins. L’animal familier est un réceptacle d’émotions, de projections et de transferts humains. Il est un médiateur ou un substitut relationnel dans la famille.
Le cheval, régulièrement utilisé pour sa lecture des émotions et sa physiologie spécifique dans des traitements est l’exemple parfait de l’animal utilisé pour ses caractéristiques générales et non pour ce qu’il est individuellement (Kaden, 2012). On peut notamment le voir dans l’équithérapie, un « soin psychique médiatisé par le cheval et dispensé à une personne dans ses dimensions psychiques et corporelles » (Equithérapie, 2020). Cette pratique peut permettre à des personnes qui ne communiquent que peu ou difficilement de s’exprimer. En effet, le cheval est utilisé comme intermédiaire afin de lire les sentiments et de comprendre le patient qui interagit avec le cheval. Ainsi, en observant le comportement et les différentes réactions de l’animal, le thérapeute peut comprendre son patient. D’autre part, le cheval peut être utilisé dans la rééducation de patient suite à des accidents, ou avec des patients atteints de pathologies nécessitant beaucoup de séances de kinésithérapie. Il permet la décontraction des jambes et la contraction des abdominaux et du tronc. Le cheval au pas a la capacité de produire les mêmes contractions chez son cavalier que celles produites par la marche à pied. Il est dans ce cas employé pour ses caractéristiques physiques.
Un rôle de second plan : l’animal thérapeutique s’adaptant au patient
Les caractères spécifiques des animaux sont adaptés à un certain type d’enfants (Montagner, 2002). Par exemple, les enfants autocentrés, introvertis ou mutiques, entre trois et quatre ans, peuvent être stimulés par le contact d’oisillons ou de rongeurs. Un chat ou un chien doux, tout en restant non invasif, peut aussi être une bonne chose. Dans les milieux ruraux, les chèvres et les équidés peuvent être d’excellents partenaires. Avec les enfants agités, hyperactifs ou agressifs, un animal rassurant, peu farouche, comme certaines races d’équidés ou de chiens, qui le canalise sans le rejeter est nécessaire à l’enfant. Ici on évoque l’animal dans les grandes lignes de son caractère et non dans sa personnalité détaillée, c’est en cela qu’on peut le voir comme un simple intermédiaire. C'est par exemple le caractère calme d’un chien qui calme un enfant, mais cela aurait pu être le caractère calme d’une chèvre ou d’un hamster.
De plus le fondateur de la zoothérapie Boris M. Levinson démontre que finalement l'animal, quel qu'il soit, aide le patient à s'exprimer avec moins de réticences. Ses œuvres (Levinson et Mallon, 1997) ne semblent pas accorder à l'animal un rôle premier ni dans la guérison du patient ni dans le lien qui établit le patient avec l'animal, il semble aborder de manière factuelle les possibles effets positifs qu'ont les animaux sur l'être humain sans parler de leur spécificité. Il va donc généraliser les caractéristiques des animaux et leurs effets sur différents groupes de la population. Levinson étudiera les effets qu'ont les animaux sur les autistes, les enfants et les adultes. Il apparait qu'en général l'animal est un auditeur infatigable qui permet de faire diminuer le stress et calme les angoisses grâce à son contact apaisant comme le pelage. Il semble ouvrir la parole chez les patients puisque l'animal semble paraître comme ayant une absence totale de jugement. De plus, ils abordent le fait que l'animal thérapeutique ne doit pas prendre le pas sur le traitement du patient. L’animal ne doit être qu’un moyen utilisé par le thérapeute pour accéder au trauma du patient, il est important que le patient ne s'y attache pas, car la perte de ce dernier pourrait aggraver le cas du patient.
Il semble alors clair que dans les prémices de la zoothérapie, l'animal ne semblait être perçu que comme un moyen d'ouvrir la parole du patient, perçu qu’à travers des caractéristiques générales tel un médicament que l'on prescrirait, d'ailleurs l'amour entre le patient et l'animal semblait être proscrit. Néanmoins, si cette guérison se fait par le lien précieux qui est établit entre l'animal et le patient il apparaît alors inévitable pour l'animal ainsi que pour le patient de ne pas s'attacher l'un à l'autre. il faudrait donc requestionner ce second rôle souvent attribué à l'animal dans le traitement.
La place de l’animal dans l’alliance thérapeutique d’un point de vue éthique
Dans nos sociétés actuellement
soumises à de profondes mutations que ce soient dans les domaines du changement
climatique et de l’écologie, des technologies de l’information et de la
communication, de la géopolitique et de la place des institutions, de la
justice et des inégalités sociales ou des sciences de la vie et de la santé, la
réflexion éthique nous permet de réfléchir à la définition des valeurs de nos
sociétés de demain.
Dans le monde et plus précisément en
Occident, on assiste à une demande sociale croissante en matière d’éthique et
de bien-être global. Il est donc logique et nécessaire que cette question se
pose aussi concernant la zoothérapie, les améliorations qu’elle peut nous apporter
tout comme les risques qu’elle peut faire courir aux acteurs de l’alliance
thérapeutique (patient-thérapeute-animal).
• Le bien-être du patient
L’objectif de tout traitement est
d’améliorer la vie du patient : il faut donc réfléchir aux risques qu’il
pourrait encourir afin de les minimiser au maximum. Dans l’interaction du
patient avec l’animal, on peut prévoir plusieurs difficultés physiques ou
psychologiques.
L’animal pourrait blesser le
patient. Un chien pourrait mordre ou griffer se sentant agressé par un geste
maladroit, un cheval pourrait se cabrer, un mouton pourrait occasionner une
chute. Il est donc essentiel de pratiquer la zoothérapie avec un animal spécifiquement
certifié et entraîné. En France, depuis une petite dizaine d’année, des
formations de chien de médiation ont été mises en place notamment par Canidea
ou de chargé(e) de projet en médiation par l’animal (accompagnateur de
l’animal) par Agatea qui délivre un diplôme reconnu par l’état et valide dans
toute l’Union Européenne. Ceci permet que l’animal soit préparé aux
interactions liées à la thérapie assistée par l’animal. Il est aussi important
que le thérapeute prépare le patient à l’interaction avec l’animal en lui
apprenant à manipuler celui-ci ou à éviter les mouvements brusques. Un autre
risque concerne les zoonoses soit la transmission de maladies infectieuses de
l’animal à l’humain (parasitose, gale, teigne, tique…) d’où la nécessité d’une
bonne hygiène de l’animal et qu’il soit suivi par un vétérinaire pour ses
vaccins et son état général. Les éventuelles allergies ne doivent pas être
sous-estimées mais ce risque peut facilement être minimisé par une consultation
du dossier médical du patient.
Du point de vue psychologique, le thérapeute
doit s’assurer que l’interaction avec l’animal n’exacerbera pas l’état du
patient et que celui-ci se sent prêt à interagir avec un animal. Une discussion
préalable entre le patient, ses proches et le thérapeute devra permettre de
connaître ses expériences passées avec un animal (heureuses ou malheureuses),
ses attentes par rapport à l’animal, le type d’animal avec lequel il se sent à
l’aise (taille, race, caractère…). Le thérapeute devra également consulter les autres
professionnels qui suivent le patient et son dossier médical. Les différences
culturelles peuvent également avoir un impact : par exemple, un patient pour
qui culturellement le chien ne peut être qu’un animal de garde ou un plat de
choix, ne sera pas à même le plus souvent de comprendre le but de la
zoothérapie. Il
est donc important de s’assurer du sens que l’animal revêt pour le client
avant de le soumettre à ce type de thérapie. Considérant cela, le
thérapeute doit demeurer à l’affût de l’impact de la présence de l’animal
sur le client et envisager le fait qu’il pourrait être retiré de
l’intervention s’il ne sert pas les objectifs de la thérapie. Un autre risque psychologique à prendre en compte est un
sur-attachement du patient à l’animal, ce qui le rendrait vulnérable à chaque
séparation de fin de séance et pourrait réduire ou annuler les bienfaits de la
séance de thérapie (Mongeon,
2014).
![](https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjrbYNJzPmOL_YjlpBLAIWt8Y01OF-5Zgkz7txP4q9eOQqSkb2yqbw6ntrFDDzS7xBoI9X58-o-JCnRZTrnoxeujwgCZ2KyKgRhpIpY_4a6bTpuWMHTQT3k36-n8eRWEcp6lsdoCHEu20t6/s16000/photo+Ho%25CC%2582pital+de+Montre%25CC%2581al+pour+enfants.jpg)
Photographie : Hôpital de Montréal pour enfants, Centre universitaire de santé McGill
• Le bien-être de l’animal
Le bien-être animal est
un sujet d’actualité. Quelle place donner aujourd’hui dans nos sociétés au
bien-être animal et comment formaliser ce bien-être de façon officielle et
légale ? Le sujet est vaste et couvre aussi bien les conditions d’élevage ou
d’abattage des animaux destinés à notre alimentation, la survie des animaux
sauvages qui voient leurs territoires se restreindre jour après jour, la
situation et la protection des animaux utilitaires, de compagnie et bien
évidemment, de médiation. En France, en 2015, le code civil reconnaît aux
animaux leur nature d’être vivant sensible, en 2018, le premier code juridique
de l’animal voit le jour et début 2021, l’Assemblée Nationale adopte la loi sur
la lutte contre la maltraitance animale. Cette évolution a aussi lieu au niveau
européen.
Ce n’est que récemment
que l’animal de médiation apparaît en tant que tel. Auparavant, les patients
avaient accès soit à des animaux de ferme dont ils apprenaient à s’occuper, soit
à un animal de compagnie qui était en fait l’animal de compagnie du thérapeute.
Le bien-être de l’animal n’était pas pris en compte de façon sociétale ni
professionnelle.
Aujourd’hui, les animaux
de médiation sont transportés par leur maître-intervenant en médiation dans des
établissements médico-sociaux, des lieux parfois bruyants et stressants, où ils
se retrouvent dans des situations auxquelles ils ne sont pas toujours bien
habitués. Pourtant, l’animal est un être sensible doué d’émotions. Il peut donc
subir une tension importante au cours des séances. Comme il n’existe pas encore
de charte officielle des bonnes pratiques de la médiation animale et des droits
de l’animal médiateur, il est important que chaque intervenant en médiation décide
du rythme et des conditions de travail de son compagnon animalier. Toutefois, une
réflexion sur la rédaction d’une charte par le Groupe d’Étude et de Recherche
sur la Médiation Animale (GERMA) est en cours et une charte d’éthique et de
déontologie est proposée par Canidea qui travaille uniquement avec les chiens.
L’Association Internationale des Organisations d’Interactions Homme-Animal
(IAHAIO) travaille également dessus et propose des informations pour
différentes espèces animales.
« Il
est entendu par bien-être la situation individuelle du chien, à savoir son intégrité
physique et son équilibre psychique au regard des conditions dans lesquelles le
chien évolue tant dans son environnement personnel que dans les conditions dans
lesquelles il est amené à intervenir.
Le bien-être
du chien est considéré comme satisfaisant si les critères suivants sont réunis
:
- considération
de l’état de santé avec suivi vétérinaire et soins appropriés,
- confort
optimal,
- prise en
compte de ses besoins naturels,
- protection
contre d’éventuels actes de violence,
- possibilité
d’expression du comportement naturel, c’est- à-dire des temps de repos inclus dans l’activité d’assistance ou d’intervention,
- prise en
compte de la présence du chien dans l’environnement où il est amené à vivre,
- assister
ou intervenir,
- absence de
souffrances physiques et psychiques,
- prise en
compte du vieillissement et donc une retraite adaptée.
Cette liste
est non exhaustive et peut être actualisée.
Dans le
contexte de ses activités, qu’elles soient d’assistance, de guidage ou de
médiation, le chien est amené à devoir faire face à des contraintes et à
prendre des initiatives. Le bien-être des chiens prend en compte les limites
des contraintes et laisse une part aux initiatives. Les limites des contraintes
correspondent aux capacités du chien à interpréter les contraintes et à les
tolérer, tout en respectant l’animal dans son intégrité physique et psychique.
La part d’initiatives doit permettre à l’animal d’exprimer sa personnalité mais
également lui donner la possibilité d’exprimer ses propres besoins et parfois
les limites de sa participation à une activité demandée. La part d’initiatives
peut également être incluse dans le travail qu’effectue le chien : elle peut
d’ailleurs avoir été cultivée lors de l’éducation de l’animal.
Le chien est
porteur d’une puce d’identification déclarée au fichier national
d’identification des animaux. Le suivi médical est assuré par le référent et
attesté par le carnet de santé à jour du chien. Lorsque le chien intervient en
établissement, le référent doit pouvoir présenter à tout moment une fiche
sanitaire. » (Canidea,
2017)
À condition de respecter
leur bien-être et de proposer une pratique sécuritaire, de nombreux animaux
peuvent se révéler être d’excellents médiateurs. Chaque animal devrait être
sélectionné et entraîné en fonction des activités qui l’épanouissent et de son envie
d’entrer en lien avec des enfants, des personnes âgées ou des personnes en difficulté.
Concernant les chiens éduqués et entraînés, ce
sont des chiens très stables psychiquement dont les compétences relationnelles
sont démontrées : ils ont reçu plusieurs mois d'éducation et ont été
sélectionnés parce qu'ils seront à l'aise dans les activités de médiation.
Ainsi le bien-être de l'animal est pleinement considéré.
• Le bien-être du thérapeute
Le thérapeute est l’élément directif
de l’alliance thérapeutique. C’est lui qui va déterminer les besoins et les
attentes du patient et qui va travailler avec le maître de l’animal (l’intervenant en
médiation) pour définir les activités à mettre en œuvre entre le patient et
l’animal. C’est lui également qui est responsable du bon déroulement de la
thérapie animale et de vérifier que celle-ci profite au patient sans nuire à
l’animal.
Interagir
avec différents animaux, chacun adapté aux besoins et attentes de chaque
patient, peut être très exigeant pour le thérapeute. En plus de suivre
l’évolution de son patient pendant la séance, il doit aussi porter son
attention sur les besoins de l’animal. « Cela nous amène à nous demander
s’il pourrait être plus efficace pour le thérapeute de travailler avec son
propre animal, malgré les résistances évoquées plus haut à l'effet que
cela limite de pouvoir choisir un animal adapté au patient. Ou peut-être
serait-il préférable que le thérapeute choisisse l’animal approprié pour
son patient en impliquant le maître de cet animal dans la thérapie en tant
qu’observateur qui pourrait s’assurer que les besoins de l’animal soient
remplis. Cela impliquerait toutefois une troisième personne dans la thérapie,
ce qui pourrait freiner le patient à se confier ou dans les études,
introduire une variable confondante. Nous n’avons malheureusement pas de
réponses à ces questions qui devraient à notre avis, être considérées
dans les recherches futures » (Mongeon, 2014).
Il
apparaît donc que la présence de l’animal peut à la fois « soulager »
le thérapeute en facilitant l’expression du patient et lui demander plus
d’efforts car il doit aussi faire attention à l’animal. D’où l’importance pour
les thérapeutes d’être formés à la zoothérapie et de bien connaître l’animal de
thérapie avec lequel ils vont travailler.
Bibliographie:
Berger François et Jean Aurélie, 2011, Autisme et Zoothérapie, p 5-38, Dunod.
Sutour Simon et Lorrain Jean-Louis, 2013, L’éthique, une problématique européenne, Sénat.
Mongeon Sophie, 2014, L’impact de la thérapie assistée par l’animal auprès des personnes souffrant d’un trouble psychotique et d’un trouble d’abus de substances, Faculté de médecine et des sciences de la santé, Sherbrooke University.
Confédération Nationale des Organisations de Chiens d’Aide à la Personne, CANIDEA, 2017, La charte éthique et déontologique.
Arenstein Georges-Henri et Lessard Jean, 2010, La zoothérapie - nouvelles avancées, Option Santé.
International Association of Human-Animal Interaction Organizations IAHAIO, 2021.
Levinson Boris M. et Mallon Gerald P., 1997, Pet-Oriented Child Psychotherapy, 2 édition. Springfield, Ill., U.S.A, Charles C Thomas Pub Ltd.
Montagner Hubert, 2002, L’Enfant et l’animal: Les émotions qui libèrent l’intelligence, Paris, Odille Jacob.
Kaden, Dorothee, 2012, « Guérir avec les chevaux »,. Reportage Arte. Adresse : https://www.youtube.com/watch?v=cm2EoNpPZtc.
Equithérapie, 2020, L’organisme de formation spécialiste de la médiation équine. Adresse : https://www.ifequitherapie.fr/ressources/definitions/definition-equitherapie/.
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