Conclusion - Une fin poétique

 

Le schéma évolutif de Darwin. Image de Webdo.


En somme, l’animalité se révèle être une multiplicité de choses. Elle est bien une stratégie d’oppression dans le prisme de l’anthropocentrisme (théorie morale qui construit une éthique sur le dualisme entre l’homme raisonnable et la nature). En témoignent les divers sophismes de la bestialité, qui, symboliquement et linguistiquement, mettent des groupes humains en marge de l’humanité afin de les exploiter. Mais l’animalité pousse aussi à s’interroger sur une catégorie fondamentale : celle de l’espèce. Cela permet de voir que toutes les catégorisations sociales, qu’elle soit celle de genre, de sexe ou de race, se sont historiquement construites ensemble et continuent de se soutenir. L’espèce n’est pas une exception. Les logiques de domination concernant toutes ces catégories se croisent donc, comme il est possible de le voir pour le cas du lait et de l’industrie de la viande de manière plus générale. Outre cela, il est aussi possible de voir que l’animalité puise sa source dans une longue tradition philosophique occidentale, qui a contribué à faire de l’animal un objet et à rendre son corps, et donc celui des animalisés, disponible à la domination. Enfin, une perspective critique permet de déconstruire l’animalité de deux manières : épistémique et ontologique. D’une part, l’animalité n’est plus une essence ou un état, mais un acte et une disposition sociale construite par des relations de pouvoir au travers du temps. L’animal devient ainsi une entité bonne à socialiser, car en interaction active avec l’homme et la constitution de son histoire. D’autre part, la dichotomie entre humain et animal cède sous une perspective critique qui voit en l’animal un principe actif potentiellement résistant plutôt qu’une victime objectivée.

Pour finir en poésie mais aussi avec un message d’espoir, chargé d’intuitions puissantes quant au rapport entre les êtres vivants, voilà ce texte de Paul B. Preciado.

« Puisque la modernité humaniste toute entière n’a su que faire proliférer des technologies de la mort, l’animalisme devra inviter à une nouvelle manière de vivre avec les morts. Avec la planète comme cadavre et comme fantôme. Transformer la nécropolitique en nécroesthétique. L’animalisme devient alors une fête funèbre. Une célébration du deuil. L’animalisme est rite funéraire, naissance. Une assemblée solennelle des plantes et des fleurs autour des victimes de l’histoire de l’humanisme. L’animalisme est une séparation et une embrassade. [...] L’animalisme est le vent qui souffle. C’est la manière à travers laquelle l’esprit de la forêt des atomes a encore prise sur les voleurs. Les humains, incarnations masquées de la forêt, devront se démasquer de l’humain et se masquer à nouveau du savoir des abeilles ».

Paul B. Preciado, 2019,  Un appartement sur Uranus, Grasset. Adresse : https://www.grasset.fr/livres/un-appartement-sur-uranus-9782246820666 [Consulté le : 2 mars 2021].




Aucun commentaire