Conclusion - Pestes : Origines animales, propagation humaine

 

Danse macabre de Michael Wolgemut - gravure sur bois - (1493), re-colorisé dans un style moderne


    Les périodes de pestes peuvent être analysées sous de nombreux prismes différents et ils apportent chacun une compréhension lacunaire du passé et des enseignements spécifiques pour le futur. L’idéal pour obtenir une compréhension optimale serait alors d’arriver à une histoire globale des épidémies de peste par une approche holistique qui convoquerait un spectre extrêmement large de disciplines. C’est ce que projette Patrick Boucheron, professeur d’histoire au collège de France, qui commence son tout nouveau cours de l'année 2021 sur les épidémies de peste centré autour d’un projet de transversalité dans l'étude. En parallèle, la peste devient ces dernières années un terrain d’étude intégrant les progrès des techniques de relevés aux études historiques si bien que Boucheron parle d'un « laboratoire de l’interdisciplinarité » qui ne demande qu’à être exploité. En effet, nous avons vu que l’étude des épidémies de peste croisait de nombreuses disciplines allant des sciences humaines (histoire, sociologie…) à la médecine (microbiologie, biologie…) en passant par l'archéozoologie et l’anthropologie.

    À travers notre projet de recherche, loin de prétendre à cette horizontalité, nous avons cherché à prendre un angle original et assez large en centrant nos interprétations des différentes épidémies sur l’être humain, sur sa responsabilité et sur ses actions. Le risque de ce choix de focalisation est de rejeter l’entière culpabilité de l’existence des épidémies sur l’homme. Ce serait évidemment une ineptie si on prend en compte la pluralité des influences externes qui jouèrent dans la propagation de la peste mais aussi le facteur de sa simple ignorance : l’espèce humaine resta longtemps fermée au secret bactériologique qui la décimait. C’est pourquoi nous nous sommes efforcés de qualifier au mieux l’origine de ces épidémies et de mêler à l’être humain la place des autres espèces dans ces zoonoses.

Malgré tout, il ressort de l’étude de ces trois « Grandes Pestes » plusieurs schémas récurrents dans les attitudes de l’être humain. La garde baissée de l’homme dans les périodes de développement commercial, économique et productif laisse place à une propagation fulgurante de la maladie proportionnellement au niveau d’interconnexion (routier, fluvial et portuaire) des sociétés humaines. Lorsque l’homme y est frontalement opposé, ses réactions se catégorisent en trois aspects : la fuite (si possible), la recherche de réponses (parfois irrationnelles) et le  « combat » selon la compréhension particulière du fléau de l’époque.

Ainsi, la peste de Justinien témoignera notamment des conséquences du voile religieux, la peste noire laissa entrevoir la fragilité de nos structures sociales et les pestes modernes le poids des inégalités lorsque le bacille fut enfin identifié. Toutes montreront finalement la fragilité de l’être humain qui a dû mal à se protéger à des bactéries pathogènes qui tirent (indirectement) profit du développement de ses sociétés pour proliférer.

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