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Photographie du drapeau actuel de l'Égypte |
Malgré le manque d’information dont nous disposons pour expliquer les rapports singuliers entre l’être humain et l’animal dans l’Égypte ancienne, car « les Égyptiens n’ont jamais laissé de textes sur la valeur qu’ils pouvaient attribuer à tel animal »[1], on sait que les Égyptien•ne•s étaient très attaché•e•s à la faune et la flore. Ils habitaient une terre sur laquelle se trouvaient diverses espèces animales et de nombreux paysages qu’ils exploraient. Entretenant des relations de nature et d’intensité diverses avec les animaux au quotidien, ils ont intégré l’animal à leur univers symbolique et conceptuel, notamment dans leur écriture, puis à leurs croyances. À mesure qu’ils les côtoyaient et apprenaient à les connaître, les Égyptien•ne•s ont fait des animaux un élément de compréhension du monde, de construction de leur identité et d’expression de leurs valeurs. En conséquence, ils ont donné une application concrète à ces principes qui se retrouvent à la base de la structuration de leur société et qui en influencent les normes, y compris rituelles.
Il faut par ailleurs remarquer que les Égyptien•ne•s n’avaient pas les mêmes notions et valeurs que nous, ce qui peut biaiser notre compréhension de leur culture et de leur histoire. Le terme générique d’animal n’existait pas[2] et leur notion de ce que l’on traduit dans notre langue par « dieu » était en fait beaucoup plus vaste : « Le mot netjer, traduit par ‘dieu’, a un sens plus large : ‘L’idée est que la ligne de démarcation entre le netjer et le non-netjer passe par le rite. Est ‘dieu’ ce qui a été, est, et peut continuer à être ritualisé.’ »[3]
Ainsi, la relation que l’Égyptien•ne entretient avec l’animal se différencie de la nôtre par la manière dont il ou elle perçoit le monde. Alors que pour lui ou elle, la distinction entre l’humain et le monde environnant avec les créatures qui le peuplent n’existe pas, nous avons a contrario créé dans notre civilisation occidentale une claire séparation entre l’humain et le non-humain. Le peuple égyptien a, depuis ses origines, vécu avec les animaux, et bien que la relation qu’il ait entretenue avec ces derniers dépende des lieux et évolue avec le temps, la société et les cultes égyptiens ont, d’une manière générale, prospéré avec la présence de l’animal en leur centre. Aujourd’hui ces rapports ont changé. On retrouve en Égypte moderne une suprématie de l’être humain sur les animaux. Mais demeurent des traces iconographiques de cette forte présence ritualisée de l’animal en Égypte ancienne sur les vestiges archéologiques, dans les temples ou dans les musées. Et certains animaux sont maintenant devenus des emblèmes de l’Égypte moderne, comme le cobra ou encore l’aigle déployant ses ailes qui figure sur le drapeau actuel du pays.
Rappelons pour finir que la présence de dieux ayant des traits d’animaux se retrouve largement dans de nombreuses religions réparties sur l’ensemble du globe. Les animaux divinisés sont abondants aussi en Inde (tel le dieu des marchands et des voyageurs Ganesh, avec sa tête d’éléphant sur un corps humain), ou en Grèce antique (Pan avec ses pattes de bouc). Les religions de l’Extrême Orient ont par ailleurs développé la notion de métempsychose, selon laquelle, les âmes, après la mort, peuvent se réincarner sous forme non seulement humaine mais aussi animale. Cette fusion de l’animal et de l’être humain, véritable symbiose dans la religion égyptienne, a peu à peu disparu de la pensée occidentale avec l’émergence des religions monothéistes, sauf peut-être dans certaines métaphores de la chrétienté, comme celle de l’agneau de Dieu. À présent seule la fiction des fables ou des contes (avec le loup-garou par exemple) ou des romans fantastiques maintient encore dans l’imaginaire la symbiose de l’animal-humain, telle que la religion égyptienne avait su l’introduire dans le quotidien du peuple du Double Pays.
[1] F. Dunand, R. Lichtenberg, avec la collaboration d’A. Charron, Des animaux et des hommes, une symbiose égyptienne, Monaco, Éditions du Rocher, 2005, p. 198.
[2] Besseyre, Marianne, Pierre-Yves Le Pogam, et Florian Meunier, L’animal symbole, coll. « Actes des congrès nationaux des sociétés historiques et scientifiques », 2019, p. 222.
[3] F. Dunand, R. Lichtenberg, avec la collaboration d’A. Charron, op.cit. p. 198.
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