Partie 1: Place purement théorique des animaux telle qu’elle est décrite dans les textes sacrées de l'hindouisme ainsi que les principes fondamentaux qui les protègent

 



La place des animaux en Inde est principalement due à la place qu'ils tiennent dans la religion hindoue. Cela se comprend assez facilement puisque 79,9% de la population indienne la pratique . Il est donc important de revenir sur l'origine de leur condition et d'étudier la place des animaux dans les textes sacrés de l'hindouisme. 


A.   A. L’hindouisme, les grands principes de la doctrine dirigeant les actions des croyants au sein de la société et dictant les rapports sociaux


Dans la religion hindouiste il existe un véritable rapport de causalité ainsi que le synthétise parfaitement Solange Lemaître dans son ouvrage Râmakrishna et la vitalité de l’Hindouisme : « Tout acte, toute pensée produit un bon ou mauvais dont le responsable aura à s’acquitter, un jour, dans cette vie ou dans une autre. » C’est ici la parfaite définition d’un des principes fondateurs de la doctrine : le Karma. Il justifie les conséquences de nos pensées et de nos actions. La vie actuelle de chaque individu, conditionnée par la précédente, conditionne la suivante. En d’autres termes, toutes nos pensées, toutes nos intentions, tous nos désirs, tous nos renoncements et nos refus, tous nos actes s’inscrivent jour après jour dans le grand livre de notre « compte », en positif ou en négatif. C’est un principe très important pour la société indienne et qui prend un grande place dans leur culture. Elle dirige en quelque sorte la conduite de la société indienne tout entière.


La nécessité d’actes à solder dans un futur plus ou moins proche a comme parallèle l’introduction d’une autre loi majeure de l’hindouisme : la loi de la réincarnation. C’est ainsi qu’en fin de vie terrestre l’âme humaine rejette le corps devenu trop vieux pour en revêtir un nouveau et poursuivre son évolution. Cela s’appelle le Samsâra, la succession, l’enchaînement des existences. Ce cycle prend fin quand lorsque l’âme de l’être devient suffisamment pure suite aux remboursement de la dette karmique. Il atteint alors le Nirvana, aussi appelé Moksha. Ce principe conditionne énormément le comportement des Indiens, notamment leur rapport aux animaux. L’homme n’est pas uniquement réincarné en être humain, il peut se réincarner en n’importe quel être vivant. Ainsi, les hindous considèrent que les animaux ou insectes qu’ils croisent peuvent possiblement être quelqu’un de leur famille qui est décédé. De là provient un certain respect des animaux et en général de la biodiversité qui les entourent.


Un principe qui découle de la réincarnation est celui de l’ahimsâ. Cela peut se traduire comme de la bienveillance ou le respect de la vie. Comme l’explique assez bien la traduction c’est un respect de tout ce qui entoure les Indiens. La nature dans toute sa globalité. Tout comme le karma ce principe n’est pas simplement appliqué par les hindouistes mais par une part beaucoup plus grande de la population. L’ahimsâ est vraiment vu comme la valeur la plus importante de l’hindouisme. Celle qui rapproche les hommes du dieu originel. Une relation que Gandhi met beaucoup en avant. Selon lui « Il n’est d’autre Dieu que la Vérité [... et] le seul moyen d’atteindre à la Vérité, c’est l’Ahimsâ [...] on ne peut avoir une vision parfaite de la Vérité qu’après avoir entièrement atteint, au préalable, l’Ahimsâ ». Ce principe fait donc évidemment partie des valeurs que l’hindou doit suivre pour purifier son âme et espérer atteindre le Nirvana. Dans l’hindouisme les concepts peuvent notamment avoir une allégorie physique. C’est le cas de l’ahimsâ dont la représentation est une vache.



   B.  Les animaux au sein du panthéon, une place prédominante. 


Dans l’hindouisme on considère qu’il n’y a ni commencement ni fin : comme rien n’apparait du néant c’est dieu qui a généré l’univers et tout est en dieu. Cet être absolu à l’origine de toutes choses se nomme Brahman. C’est un dieu suprême, impersonnel et absolu. Brahman créé notamment une triade divine, la Trimûrti, dont la réunion constitue la triade majeure de l’hindouisme. Constituée de Brahmâ, Vishnu, et Shiva, elle domine la totalité des formes divines et de leurs représentations personnalisées. Dans un premier temps Brahmâ représente le créateur, celui qui protège tout ce qui est création. Il est si proche du dieu originel que la représentation que l’on en donne reste quelque peu abstraite. De même, peu de cultes et de sanctuaires lui sont consacrés. Vishnu quant à lui est représenté comme le dieu bienfaiteur, protecteur du cosmos. Il est l’un des dieux les plus populaires. Cela vient sans doute de sa nature solaire et du fait que son culte soit accessible à tous. Il est représenté comme un jeune homme possédant quatre bras et dont la peau est bleu nuit. Shiva quant à lui est un dieu perçu comme très ambivalent. Il est à la fois bénéfique et redoutable. A la fois Shambhu (« le Bienveillant ») et Bhairava (« l’épouvante »). Il est le dieu du rythme et de la danse représentant les perpétuels mouvements de l’univers. Son culte est réellement l’un des plus présent en Inde.


Au-delà de la Trimûrti, il existe de nombreuses divinités secondaires chargées de seconder les divinités les plus importantes du panthéon hindou c’est notamment le cas des asuras, des daityas, des nagas, des apsaras et encore bien d’autres. Présentent uniquement dans certaines régions de l’Inde, elles un rôle spécifique auquel elles sont dévouées. La plupart de ces divinités sont protectrices de la faune et de la flore en Inde. C’est par exemple le cas des apsaras qui sont de nymphes des eaux ou encore Krishna et de Gao Mata tout les deux en charge des vaches. Chaque animal possède au moins une divinité censé le protéger même si leur nom peut varier en fonction de la région de l’Inde dans laquelle on se trouve. Cela explique entre autres la grande diversité du panthéon qui comporte plus de 33 millions de dieux. Beaucoup sont de petites divinités locales, assez peu connues.





L’un des autres moyens de diviniser les animaux, et celui le plus utilisé, est d’en faire une monture ou un avatar. C’est pour cette raison que la plupart des animaux sont vénérés en Inde. En faire une monture, c’est considérer qu’ils sont le moyen que les dieux utilisent pour se déplacer. On dit par exemple que le dieu Shiva monte un taureau nandi, que Vishnu chevauche l’aigle Garuda, ou encore la déesse Durga avec le lion. Tout ça donne une ampleur sacrée à l’animal qui devient l’allié des dieux. Le dernier moyen de donner un aspect divin à un animal est d’en faire un avatar. C’est-à-dire l’incarnation d’une divinité sur terre. Le plus connu de tout les avatars est Krishna, l’un de ceux représentant Vishnu. On lui voue un culte bien plus grand qu’à la plupart des divinités en Inde. Un exemple que nous pouvons prendre concernant un avatar partiellement animal est Kalkin. Il est le dernier des avatars de Vishnu et est décrit comme un homme à tête de cheval. On voit réellement ici que les animaux tiennent une place primordiale dans le panthéon et la religion hindous, que ce soit en tant que dieu, avatar ou encore monture. 




   

C. Quelle est la place des animaux dans la société d’après les textes sacrés et quel serait l’application purement théorique de ceux-ci ? 


La place de l’animal dans l’hindouisme est prédominante. Très souvent, et au-delà de l’ahimsâ, les animaux sont considérés comme sacrés. L’on dit que Brahma aurait mis dans chacun d’entre eux un secret spécifique montrant leur importance spirituelle et Shiva leur donnant une conscience yogique. C’est cette sacralisation des animaux qui leur donne une place aussi forte dans la société indienne. En effet, à toutes les époques l’on construit des temples en leur honneur. Pour pouvoir les vénérer et s’en occuper. C’est l’une des conséquences directes de l’importance que leur donne les textes sacrés. Comme montré auparavant, ils sont pour certains considérés comme la réincarnation de divinités et pour d’autres comme leur allié. A ce titre il semble normal de leur donner une place tout à fait particulière.


C’est la raison pour laquelle tous les hindous sont végétariens et que la cuisine indienne se compose essentiellement de légumes, de fruits et d’épices. Les textes sacrés hindouistes sont clairs sur un autre aspect : il faut prendre soin des animaux. C’est-à-dire que non seulement les hindous ne peuvent pas manger de viande, mais qu’ils doivent aussi (théoriquement et si l’on suit les textes sacrés), prendre soin d’eux et même les nourrir. Cela va bien au-delà d’un simple végétarisme. Le fait de manger de la viande est ainsi considéré comme un crime à part entière comme le montre bien cette citation tirée des lois de Manu[1] : « L’homme qui consent à la mort d'un animal, celui qui le tue, celui qui le coupe en morceaux, celui qui achète la viande, la vend, celui qui la prépare, la sert et enfin celui qui la mange, sont tous regardés comme ayant pris part au meurtre ».


Comme rapidement évoquée avant, la réincarnation joue un rôle très important dans la place que prend les animaux en Inde et du traitement qu’on leur réserve. Au-delà du fait que l’animal peut représenter l’un de leurs proches décédés, il faut aussi voir la symbolique derrière cette loi de la réincarnation. C’est quelque chose qu’exprime très simplement Mahhabharatu Anu Parva : « La chair d'un animal est pareil à la chair de son propre fils et la personne stupide qui mange de la viande doit être considérée comme le plus vil des êtres humains ». Si les animaux sont les réincarnations des hommes c’est qu’ils ont une âme et une conscience. Là est un point très important de la religion hindouiste mais aussi de la défense des droits des animaux en Inde. Cela peut sembler peu important mais l’hindouisme est la première religion à avoir doté les animaux d’une conscience. A ce titre les textes sacrés donnent une vraie importance à la faune qui entoure les hindous, lui donnant une place aussi importante qu’aux êtres humains.



Bibliographie: 


Altglas Véronique, 2003, « Ysé Tardan-Masquelier, L’Hindouisme : des origines védiques aux courants contemporains »,. Archives de sciences sociales des religions, vol. n° 124, n° 4, p. 86-86.


André Bareau, 1961, « Solange Lemaitre. Râmakrishna et la vitalité de l’Hindouisme »,. Revue de l’histoire des religions, vol. 160, n° 1, p. 115-116.


Bernard Baudouin, 2019, L’hindouisme - Une renaissance spirituelle, Presses du Châtelet.


Christiane Fonseca, 2008, « L’animal, ombre des dieux et frère de l’homme »,. Cahiers jungiens de psychanalyse, vol. N° 126, n° 2, p. 7-20.


Florence BURGAT, Le mythe de la vache sacrée. La condition animale en Inde, Paris, 2017


Ronan Moreau, « L’hindouisme | Institut Européen en Sciences des Religions »,. Adresse : http://www.iesr.ephe.sorbonne.fr/ressources-pedagogiques/comptes-rendus-ouvrages/lhindouisme [Consulté le : 7 mars 2021].




[1] Il s'agit d'un texte en vers le plus important et le plus ancien de la tradition hindoue du dharma



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