Pas si « bêtes » !

 

© Photo NR

« Cervelle d’oiseau », « bête comme une oie », « tête de mule », « être un âne », « rusé comme un renard », « un travail de fourmi », les expressions ne manquent pas à propos de l’intelligence des animaux, particulièrement lorsqu’il s’agit de se moquer d’eux. Mais sur quoi ces expressions sont-elles fondées ? Les animaux sont-ils réellement « bêtes » ? Les humains sont-ils plus intelligents que les animaux ?


C’est à cette question que répond Emmanuelle Pouydebat dans son ouvrage L'intelligence animale, paru en 2017 aux éditions Odile Jacob. Emmanuelle Pouydebat est médaille d’argent et directrice de recherche au CNRS en biologie de l’évolution, spécialiste des mécanismes adaptatifs et de l’évolution des comportements animaliers, chevalière de la légion d’honneur, conférencière internationale… Dans son livre, elle appelle à une réflexion sur notre définition de l’intelligence. Elle s’attaque à une idée dominante dans la doxa, celle d’une supériorité intellectuelle, et par cela d’une supériorité générale, de l’humain sur les autres animaux. Elle utilise énormément d’exemples pour illustrer ses propos ; c’est pourquoi je vous propose d’expliquer sa pensée en partant d’exemples tirés de son livre.


Mode d’emploi : chaque question renvoie à une autre selon votre réponse. Commencez à la question 1 et laissez-vous porter !



1.     Selon vous, qu’est-ce qui est le plus représentatif de l’intelligence humaine ?

a.       L’invention et l’utilisation d’outils

b.      Les sentiments et la morale

c.       Le langage et la communication

 

Pour un sujet comme l’intelligence animale, il nous faut accorder une importance particulière à la définition que nous donnons aux mots. Evidemment, l’intelligence humaine ne se résume pas qu’à l’une de ses trois propositions. Au contraire, elle est complexe et la science n’a pas fini de l’explorer. Mais l’objectif ici n’est pas de parler de l’immensité de l’intelligence humaine, il est plutôt de montrer que cette intelligence n’est pas aussi rare et exceptionnelle que nous avons tendance à le penser si on la compare avec celle des autres animaux, les animaux autre-qu’humains. Soyez rassurés, il n’y aucune mauvaise réponse à cette question. Au contraire, c’est le début du parcours que vous choisirez au fur et à mesure de vos réponses. Si vous avez choisi la réponse a, je vous propose de vous diriger vers la question 6 ; vous suivrez dorénavant les indications en vert. Si vous avez choisi la réponse b, je vous propose de lire la question 3 ; vous suivrez dorénavant le parcours rouge. Si vous avez choisi la réponse c, allez à la question 4 et suivez dorénavant les instructions en bleu !

En vous souhaitant un beau voyage dans le livre de Emmanuelle Pouydebat et dans l’intelligence animale !

 

2.    C’est connu, les castors construisent des barrages. Le plus long barrage retrouvé se situe au Canada et est l’œuvre des castor canadensis. Quelle taille faisait-il ?

a.       300m.

b.      850m.

c.       1200m.


La bonne réponse est la b ! Pour montrer qu’utiliser un outil peut témoigner d’une grande intelligence mais que l’on peut être intelligent sans utiliser des outils, prenons un exemple connu de construction animale. A ce petit jeu, une espèce est particulièrement intéressante : le castor. Cet animal est un véritable ingénieur dans sa fabrication des abris et des digues visant à retenir l’eau des rivières, à créer des réservoirs d’eau profonds où il peut se mettre à l’abri des prédateurs, faire flotter sa nourriture et les matériaux de construction qu’il utilise. Imaginez ce castor préparant et coupant sur le rivage des perches de longueurs déterminées et des arcs-boutants pour ensuite disposer ces perches à l’horizontale sur sa digue qu’il renforce alors, contre le courant, avec les arcs-boutants. Situé au Canada dans le parc Wood Buffalo, le plus grand barrage de castor mesure plus de 850 m et est visible de l’espace ! La moyenne au Canada est de 90 m.

Mais ce qui nous intéresse ici n’est pas tant le résultat que la construction. La construction a commencé vers 1975, cela fait donc bientôt une cinquantaine d’années que plusieurs générations se relayent à la construction et la réparation du même barrage ! C’est ici le témoignage d’une transmission du savoir, notamment des techniques propres à ce groupe de castor adaptées à leur environnement. Des apprentissages différents des autres groupes de castor se créent, car ce groupe-ci a des connaissances plus précises sur son milieu de vie. Par ailleurs, cela nous amène à parler d’un point important : on ne peut pas comparer l’intelligence d’espèces qui n’ont pas le même environnement, et donc pas les mêmes clefs, outils, moyens, ni les mêmes interactions avec les autres espèces.

Cet exemple nous démontre donc une communication au sein d’une espèce, la transmission d’un savoir qui se construit tant il se répand dans le groupe. Pour approfondir le dernier point abordé, à propos de l’impossibilité de comparer l’intelligence d’animaux qui n’ont pas les mêmes clefs face à une même situation, allez à la question 8.

Cet exemple nous démontre donc une communication au sein d’une espèce, la transmission d’un savoir qui se construit tant il se répand dans le groupe. Mais au-delà d’une communication entre membre d’une même espèce, certains animaux autres-qu’humains ont déjà communiqué directement avec les humains en utilisant les langues que nous pouvons comprendre ; l’exemple le plus connu est celui des perroquets. Je vous propose de vous diriger à la question 4 !

Au-delà de la communication entre les humains et les non-humains, cet exemple nous démontre donc une communication au sein d’une même espèce, la transmission d’un savoir qui se construit tant il se répand dans le groupe. Pour continuer sur la manipulation d’outils et des constructions par les animaux non-humains, cap sur la question 6 !

 

3.    Quelle était la particularité du gorille Koko ?

a.       Elle maîtrisait plus de 1000 signes en langue des signes.

b.      Elle s’était liée d’amitié avec un chaton, qu’elle a elle-même nommé.

c.       Elle a joué de la basse avec le groupe Red Hot Chili Peppers.

d.      Elle faisait de la peinture et savait faire des auto-critiques de ses œuvres.

 

En fait, toutes ces réponses à la fois. Etonnant, n’est-ce pas ? Koko a été élevée par une éthologue, loin de ses congénères, et du fait de son éducation « humaine » a permis de mettre en lumière les capacités des gorilles. Malgré tout, il faut relativiser ces résultats qui sont le fait d’un animal particulier avec une éducation particulière, et qui ne correspondent pas au quotidien de l’espèce.



Le point qui nous intéresse particulièrement ici est son histoire d’amitié avec le chaton All Ball. Un Noël, Koko a demandé un chaton comme cadeau. C’est Koko elle-même qui a choisi le prénom du petit chat. Lorsque All Ball est décédé, Koko a été triste durant plusieurs mois. A l’aide du langage des signes, Koko a alors exprimé les mots "malheureux", "triste", "fronce les sourcils", "pleurer", avant de s'isoler pour imiter les sons d'un humain en pleurs. Elle fera preuve d'une empathie similaire quelques années plus tard, à la mort de l’acteur Robin Williams, qui l'avait rencontrée quelques années auparavant. 

En matière de sentiments, on ne peut pas dire que les animaux soient en reste. La différence de Koko est qu’elle savait l’exprimer de manière à ce que les humains comprennent. Mais le fait que nous ne comprenions pas les autres animaux ne signifie pas qu’ils n’ont pas d’émotions !

Dirigez-vous vers la question 4.

Ainsi, l’absence de cordes vocales de Koko face à Puck la perruche ne l’empêche pas de communiquer par ses propres moyens avec les humains ! Koko était considérée comme particulièrement intelligente mais d’autres gorilles auraient été capables de tels exploits en recevant la même éducation. Les autres gorilles n’ont simplement pas le besoin de communiquer avec nous. Et, comme soulevé à la dernière question, chaque animal a son environnement et ses attributs propre : il est impossible de relever un seul critère d’intelligence. A présent, je vous propose de vous diriger vers la question 5.

Pour compléter la dernière question, Koko a ici des besoins différents des autres gorilles. Par exemple, elle n’a pas besoin d’apprendre à trouver à manger. L’environnement dans lequel Koko évolue lui crée contribue à créer des besoins presqu’humains, par exemple communiquer avec l’éthologue qui l’a élevée. L’intelligence est souvent définie comme les « capacités d’adaptation comportementale d’une espèce ». Koko serait donc en effet une preuve de l’intelligence des gorilles, du fait de sa capacité à adapter son intelligence à son environnement ! Pour continuer sur la hiérarchie entre les animaux, rendez-vous à la question 7.


4.    Quel est le plus grand nombre de mots qu’un animal non-humain a déjà maitrisé ?

a.       900 mots.

b.      1300 mots.

c.       1800 mots.


La bonne réponse est la c ! Les perroquets sont en effet bavards. En 1995, une perruche bleue répondant au nom de Puck est entrée dans le Livre Guinness des records pour la richesse de son vocabulaire qui comptait près de 1 800 mots reconnus. Elle savait faire des phrases, poser des questions pertinentes et ne se contentait pas juste de répéter ce qu’il entendait. L’oiseau était considéré comme exceptionnellement intelligent, parce qu’il arrivait à copier les codes humains. Mais l’intelligence se résume-t-elle à la possession de cordes vocales ? Et si d’autres animaux non-humains avaient cette capacité de compréhension, sans les moyens physiologiques de l’exprimer de manière à ce que nous le comprenions ? D’autant plus que pour ce qui est de la communication, les animaux non-humains savent communiquer entre eux.

Puck est donc un deuxième exemple de communication avec les humains, même si Koko et Puck ne communiquaient pas de la même manière. Mais l’intelligence et la capacité de communication ne se résument pas à savoir se faire comprendre des humains. Pour parler de la communication au sein d’une même espèce, dirigez-vous vers la question 2.

C’est d’ailleurs l’exemple des castors que nous venons d’étudier. A présent, direction la question 3 !

Pour approfondir le point concernant la transmission d’information et la communication au sein d’une même espèce, direction la question 2 !


5.    Pourquoi les oiseaux australiens jardiniers à nuque rose ramassent-ils des fleurs ?

a.       Pour décorer son nid et se faire un beau tapis.

b.      Parce qu’ils confondent leur couleur avec celle de petits insectes.

c.       Pour l’odeur qu’elles dégagent.


La bonne réponse est la réponse a ! En effet, ces petits oiseaux utilisent des fleurs, mais aussi des coquillages, des graines et des objets de couleur à des fins purement décoratives. Cela nous permet de parler d’un stéréotype qui a la peau dure : celle que les animaux ne vivent que pour satisfaire des besoins, comme une loi naturelle s’abattant sur eux. Nos oiseaux australiens jardiniers à nuque rose remettent tout cela en perspective car décorer son habitat n’est pas un besoin. Ces oiseaux sont même capables de fabriquer, après plusieurs semaines d'efforts, une sorte de berceau nuptial. Fait de brindilles entrelacées, formant parfois une arche à l’entrée, il ressemble à un tunnel. Mais ce sont deux actions différentes : l’une est une conséquence de l’accouplement, l’autre ne découle pas d’un besoin.




Si cette tâche est pour certains assimilée à de la fabrication de nids, et pas à de l’utilisation d’outils, on peut très bien la considérer comme de la manipulation d’objets susceptible de nous éclairer sur l’intelligence d’une espèce qui redouble de créativité pour satisfaire une envie, plus qu’un besoin.

Ainsi, en plus de ne pas avoir les mêmes besoins, il arrive que les animaux autre-qu’humains utilisent leur intelligence au service d’une activité qui n’est pas un besoin. A présent, approfondissons la question de la manipulation d’outils à la question 6.

Dans la continuité de la dernière question, nous parlons ici de la relation entre intelligence et besoin. L’intelligence des animaux n’est pas toujours mise au service de ses besoins, ces oiseaux jardiniers en soient le parfait exemple. Pour continuer à parler du rapport besoin-intelligence, cap sur la question 8 !

Dans la continuité de la dernière question, nous parlons ici de la relation entre intelligence et besoin. L’intelligence des animaux n’est pas toujours mise au service de ses besoins, ces oiseaux jardiniers en soient le parfait exemple. Pour continuer à parler du rapport besoin-intelligence, cap sur la question 8 !

 

6.    D’après vous, comment la fauvette du Ceylan fabrique-t-elle son nid ?

a.       En fabriquant l’équivalent d’une colle avec de la sève d’arbre.

b.      En cousant des feuilles entre elles.

c.       En tressant des brindilles.


La bonne réponse est la b ! La fauvette de Ceylan fait de la couture : autrement dit, elle perfore le bord de deux feuilles avec son bec, les rapproche et passe à travers les trous une fibre végétale ou un fil de soie d’araignée confectionné en tordant des fils d’araignée…Au-delà de l’utilisation d’outils, cela nous montre même que les animaux non-humains sont aussi capables de telles œuvres de précision ! La fauvette de Ceylan s’est adaptée à son milieu et à ce qu’elle pouvait trouver autour d’elle, en l’occurrence des fils subtilisés à des araignées, pour satisfaire un besoin.



L’exemple des fauvettes couturières de Ceylan prouve autre chose : sans les araignées et leurs toiles, ces oiseaux ne pourraient réaliser l’ouvrage pour lequel on les glorifie. Cette interdépendance n’est pas présente uniquement dans la chaîne alimentaire. Ainsi, comment dire qu’un animal est plus intelligent que les autres animaux s’il a besoin de ces autres pour pouvoir réaliser les ouvrages pour lesquels on le trouve intelligent ? On peut dire qu’il est remarquablement intelligent, il est vrai, mais pas qu’il l’est plus que d’autres.

Par ailleurs, à propos de nids d’une précision incroyable, j’aimerais vous parler de l’œuvre d’un oiseau que je trouve fascinante : les oiseaux du genre Malimbus. Ils fabriquent des tubes en tissage minutieux que la main de l’homme aurait du mal à reproduire. L’entrée semi-transparente peut paraître fragile, mais elle est remarquablement robuste. Elle est faite de fibres de palmes ou de vrilles végétales joliment tissées. L’oiseau qui arrive au nid en vol s’engouffre à travers l’entrée évasée et se dirige vers le haut à l’intérieur du tube avec les ailes closes, puis il s’agrippe avec les griffes et escalade la structure jusqu’à la « chambre ».  

Voilà quelques exemples, parmi des centaines d'autres, de comportements de construction qui évoquent en de nombreux points leur intelligence, entre autres par leur capacité à réparer les nids, à trouver des solutions diverses ou à choisir le bon emplacement mais aussi particulièrement à s’approprier le matériel à leur disposition pour arriver à un but précis.

Ce but n’est pas forcément la satisfaction d’un besoin, comme vu précédemment. Je vous propose maintenant de vous diriger vers la question 9.

L’invention, l’utilisation et la manipulation d’outils ne sont pas réservées aux seuls humains et ce savoir doit être transmis entre membres d’une même espèce. Pour cela, rendez-vous à la question 2 !

La confection de nid est un besoin pour les oiseaux ; mais l’intelligence des animaux ne sert pas toujours un besoin ! Pour en savoir plus, dirigez-vous vers la question 5 !

 

 

7.  Si l’on devait effectuer un classement des animaux selon leur intelligence, quelle(s) proposition(s) semblerai(en)t la(les) plus pertinente(s) ?

a.       Les humains sont plus intelligents que les autres primates.

b.      Les primates sont plus intelligents que les autres animaux.

c.       Les animaux sont les seuls êtres doués d’intelligence.


Question piège ! En fait, il n’y a pas vraiment de réponse. Dans son livre, Emmanuelle Pouydebat consacre quelques pages à définir ce qu’est un humain, ou plutôt ce qu’il n’est pas : un animal supérieur aux autres animaux, plus intelligent et possédant des différences remarquables avec ceux-ci. Cela a été prouvé à la question 8.

Un autre préjugé qui a la peau dure est celui que les primates seraient plus intelligent que les autres animaux. On pourrait avancer les mêmes arguments que ceux présentés pour la réponse a à la question 8. Les réponses ont été apportées à la question 5.

Attaquons-nous donc à la troisième et dernière réponse proposée : les animaux seraient les seuls êtres vivants doués d’intelligence. Il est encore plus difficile de consacrer l’intelligence du monde végétal tant nos fonctionnement différent. L’exemple que prend Emmanuelle Pouydebat est celui de la collaboration de certaines plantes qui se préviennent entre elles lorsque l’une est attaquée par un herbivore. Cette communication passe par la diffusion de signaux chimiques. Il est vrai que nous ne pouvons interagir avec les plantes comme nous le faisons avec les animaux autre-qu’humains. Pour autant, celles-ci possèdent pour une bonne majorité une mémoire, des capacités d’apprentissage, et les dernières avancées du Fond de Recherches Scientifiques tendent même à affirmer qu’elles sont dotées d’une forme de conscience de soi minimale qui ne requiert ni intention ni réflexivité. Il faut rester vigilent, dans notre analyse et ne pas évaluer l’intelligence en tant que différence par rapport à nous (les humains, les primates, les animaux). Par rapport à ce qu’est un végétal, ses caractéristiques, son milieu et ses besoins, on ne peut pas affirmer qu’elles sont dénouées d’intelligence. De manière générale, Emmanuelle Pouydebat propose que nous ne partions pas du principe que seuls les humains sont intelligents pour prouver au compte-goutte que d’autres êtres le sont, mais plutôt de l’idée que tous les êtres vivants ont une potentialité d’intelligence, utilisée ou non.

Les différences ne font pas la supériorité et les comparaisons sont impossibles. Finissez à la question 10 !

Comment comparer deux espèces qui ne veulent pas faire la même chose, qui n’ont pas les mêmes outils à leur disposition et qui, de surcroît, n’ont pas les mêmes capacités physiques ? Plus dur encore, comment comparer l’intelligence d’un tournesol et d’un phacochère, d’un animal et d’un végétal ? Il ne faut pas faire de raccourcis. Pour une compétence particulière ou un critère particulier, il est possible de faire des comparaisons ou un classement ; ce que nous voulons montrer ici est qu’aucun de ses critères ne permet de conclure à une supériorité humaine ou à une non-intelligence des autres animaux. Ils ne sont pas représentatifs de la complexité des comportements des êtres vivants. A présent, rendez-vous à la question 9 !

Comment comparer deux espèces qui ne veulent pas faire la même chose, qui n’ont pas les mêmes outils à leur disposition et qui, de surcroît, n’ont pas les mêmes capacités physiques ? Plus dur encore, comment comparer l’intelligence d’un tournesol et d’un phacochère, d’un animal et d’un végétal ? Il ne faut pas faire de raccourcis. Pour une compétence particulière ou un critère particulier, il est possible de faire des comparaisons ou un classement ; ce que nous voulons montrer ici est qu’aucun de ses critères ne permet de conclure à une supériorité humaine ou à une non-intelligence des autres animaux. Ils ne sont pas représentatifs de la complexité des comportements des êtres vivants. A présent, rendez-vous à la question 9 !

 

 

8.    Les criquets africains, les corbeaux calédoniens et une espèce de poisson-chat utilisent tous trois des feuilles dans leur vie courante : l’un pond ses œufs dessus afin de pouvoir les transporter en cas de danger, l’autre utilise des feuilles comme amplificateur de son, le dernier utilise des feuilles pour attraper de la nourriture. Laquelle des trois propositions suivantes est vraie selon vous ?

a.       Le criquet pond leurs œufs sur des feuilles, le corbeau utilise les feuilles pour communiquer et le poisson-chat utilise les feuilles pour attraper de la nourriture.

b.      Le criquet utilise des feuilles pour attraper sa nourriture, le corbeau pond ses œufs sur des feuilles et le poisson-chat utilise des feuilles pour communiquer.

c.       Le criquet utilise des feuilles pour communiquer, le corbeau utilise des feuilles pour attraper de la nourriture et le poisson-chat pond ses œufs sur des feuilles.


La bonne réponse est la c. En effet, une des espèces de poisson-chat pond ses œufs sur des feuilles, afin de pouvoir les déplacer plus facilement en cas de danger. Les criquets africains utilisent les feuilles comme amplificateur de son en frottant la partie inférieure de leurs ailes contre une feuille et peuvent ainsi communiquer à longue distance. Enfin, les corbeaux calédoniens découpent des morceaux de feuille de Pandanus (dont les feuilles présentent des pics) afin d’utiliser les échancrures comme crochets pour attraper des vers dans les cavités du bois.

Par ailleurs, ces mêmes feuilles lorsqu’elles sont séchées peuvent être tressées pour former des paniers, des vêtements ou encore des tapis. C’est de cette activité qu’ont vécu beaucoup de femmes dans les colonies françaises, particulièrement sur les îles.

Quelle diversité d’emploi pour un même objet ! Cela nous révèle un point important : les animaux ont des comportements différents simplement car ils ont des besoins différents. Le corbeau n’aurait aucun intérêt de pondre ses œufs sur des feuilles. Comment comparer leur intelligence, s’ils ne font simplement pas la même chose et n’ont pas les mêmes attributs ? Le poisson-chat ne saurait amplifier la portée de ses messages à ses congénères grâce à des feuilles (quoique !), mais il n’a ni le besoin de le faire, ni des ailes comme le criquet.

 

Comme le dit Albert Einstein, « Tout le monde est un génie. Mais si on juge un poisson sur sa capacité à grimper à un arbre, il passera sa vie à croire qu’il est stupide » !



Ainsi, chaque animal a un environnement différent mais aussi des besoins différents et une anatomie différente ! Comment comparer deux espèces qui ne veulent pas faire la même chose, qui n’ont pas les mêmes outils à leur disposition et qui, de surcroît, n’ont pas les mêmes capacités physiques ? Dans la continuité de cette interrogation, je vous propose de vous diriger vers la question 5.

Ainsi, en plus de pouvoir mettre leur intelligence au service d’activités qui ne répondent pas forcément à un besoin, les animaux n’ont tout simplement pas les mêmes besoins. Or comment faire une comparaison de deux animaux qui ne cherchent pas à faire la même activité ? Rendez-vous à la question 7 !

Ainsi, en plus de pouvoir mettre leur intelligence au service d’activités qui ne répondent pas forcément à un besoin, les animaux n’ont tout simplement pas les mêmes besoins. Or comment faire une comparaison de deux animaux qui ne cherchent pas à faire la même activité ? Rendez-vous à la question 3 !


9.    Mais alors, si l’intelligence de l’homme ne le différencie pas des autres animaux, qu’est-ce qui démarque le plus l’humain ?

a.       La bipédie

b.      La politique

c.       La culture

Avant de lire la suite, je vous propose quelques anecdotes.

Pour la réponse a : la pieuvre veinée (Amphioctopus marginatus), désormais surnommée « pieuvre noix de coco », déambule dans les eaux indonésiennes cachée dans des demi-noix de coco, laissant juste sortir deux tentacules. Ainsi, elle se déplace en bipédie (sur deux pieds tentaculaires) !

Pour la réponse b : le vote n'est pas qu'une invention humaine. Les lycaons d'Afrique, une espèce de canidés, éternuent pour voter le départ ou non à la chasse. Si le couple dominant vote, il faudra 2 ou 3 autres votes pour partir à la chasse, mais s'ils s'abstiennent, il faudra une dizaine de votes pour faire bouger la meute.

Pour la réponse c : Sur l'île de Koshima, les habitants donnaient des patates douces à manger aux macaques, et une jeune femelle, Imo, a commencé à laver ses pommes de terre, ce qui n'avait rien d'extraordinaire. Mais ses amis et sa mère l'ont imitée. Cinq ans plus tard, les trois quarts des juvéniles et les jeunes adultes lavaient régulièrement leurs patates douces. Cela correspond à ce qu’on appelle l'apprentissage social, un facteur de la culture !

 

En réalité, l'humain est bien le seul primate pratiquant la bipédie permanente (le seul animal hormis les oiseaux), le seul à avoir des institutions politiques et la définition de la culture chez les animaux est bien différente de celle de la culture humaine. Ce ne sont pas les seules différences avec les autres animaux, elles pourraient se compter par dizaines. Mais au même titre que l'humain, un papillon ou un suricate n'a rien à voir avec les autres animaux. Chaque espèce a ses particularités : il n'y a pas une grande barrière entre humain et non-humain ! Aussi, dans son livre, Emmanuelle Pouydebat explique qu'il est ridicule de systématiquement placer les humains comme référents à toute comparaison. L'idée est d'observer les différences entre les humains et les animaux, sans tomber dans le piège d'observer les différences des animaux par rapport aux humains. Les différences ne font pas la supériorité.

A présent, allez voir la question 7 !

Au même titre que pour l’intelligence, il est évident qu’il serait possible d’effectuer des classements et des comparaisons avec les autres animaux dans les domaines cités plus haut. Tout l’enjeu est de comprendre que ces classements sont insuffisants à toute conclusion. Finissons à la question 10.

Au même titre que pour l’intelligence, il est évident qu’il serait possible d’effectuer des classements et des comparaisons avec les autres animaux dans les domaines cités plus haut. Tout l’enjeu est de comprendre que ces classements sont insuffisants à toute conclusion. Finissons à la question 10.

 

10. Quel animal possède le plus de neurones ?

a.       Le poisson rouge

b.      Les éléphants

c.       Les humains

 

La bonne réponse est la b ! Les éléphants battent les humains en termes de nombre de neurones, alors que les poissons rouges possèdent un plus grand nombre d’os dans le crâne. Ces grands mammifères possèdent environ 257 milliards de neurones, contre 86 milliards chez les humains. La composition du cerveau est un indicateur intéressant mais il n’est pas suffisant pour comparer l’intelligence de deux espèces ; si cela avait été le cas, l’humain aurait été perdant ! C’est ce que démontre Emmanuelle Pouydebat dans le dernier chapitre de son livre. Il faut donc également faire attention à ces arguments : cela ne permet pas de conclure sur l’intelligence des animaux de manière globale. Voilà, le voyage au cœur de l’intelligence animale est fini !

 

Compte-rendu critique de l’ouvrage : Emmanuelle Pouydebat, L’intelligence animale, cervelle d’oiseaux et mémoire d’éléphant, Odile Jacob, 2017.


Aucun commentaire