INTRODUCTION - Évolution du rapport à l'idée du sauvage dans la civilisation occidentale : des enfants sauvages au héros de Into the Wild.





AIGLE, "Pour la réintroduction de l'homme dans la nature", BETC Euro RSCG, 2008



En 2008, la campagne publicitaire de la marque de vêtements française AIGLE choisi comme slogan : « Pour la réintroduction de l’homme dans la nature ». Les visuels présentent des espaces sans marques de civilisation. Les femmes et les hommes qui y figurent sont en symbiose avec leur environnement, et leurs positions font penser à celles d’animaux : singes, chauves-souris, manchots. La campagne publicitaire mise donc tout sur la valorisation d’un homme sauvage, proche de la nature et sans distinction nette avec l’animal. Sur 264 campagnes de publicité, c’est celle-ci qui remporte le Grand Prix de l’Affichage. Comment alors, l’homme sauvage est-il devenu une image qui vend bien, l’idée qui gagne ? Ici, l’enjeu écologique est clairement affiché par la marque de vêtements qui va jusqu’à faire l’impasse sur les habits dans sa campagne, mais cette esthétique de l’état sauvage révèle aussi que la figure de l’homme sauvage est dans l’air du temps, dans le sens ou elle est d’une part actuelle et d’autre part à la mode. Alors, des enfants sauvages que l’on mettait dans la catégorie des monstres, à l’idéalisation rousseauiste d’un état pré-civilisé, en passant par les associations racistes de la sauvagerie et des indigènes, comment en sommes-nous arrivés à une image du sauvage valorisée pour des raisons politiques et esthétiques ? Les évolutions discontinues du rapport occidental au sauvage feront donc l’objet de notre étude. C’est ce travail sur les racines de nos malaises qui nous permettra d’analyser la tendance occidentale actuelle à redéployer ce qui est sauvage en nous. Pourquoi la sauvagerie est-elle si captivante aujourd’hui, et que lui demandons-nous ? Il convient tout d’abord de définir les termes centraux de notre étude : sauvage et civilisation. D’une part, sauvage vient du latin silvaticus dérivé du grec hulê, la « forêt  », et auquel Aristote a associé le sens philosophie de « matière ». Au début du XIIe siècle, l’usage français de l’adjectif sauvage s’applique à un homme qui vit à l’écart, et à la fin du XVIe siècle, il désigne ce qui est relatif aux peuples primitifs. Il a ensuite été gravement associé aux pratiques coloniales. L’animalisation du conquis a mené à l’amalgame entre la sauvagerie et les indigènes américains (Strivay, 2006). D’autre part, la civilisation est le « fait pour un peuple de quitter une condition primitive, un état de nature, pour progresser dans le domaine des mœurs, des connaissances, des idées ». (CNRTL) C’est donc la tension entre les deux notions qui va nous intéresser, parce qu’il semble qu’elles convergent de plus en plus, bien qu’elles s’opposent par définition. Il s’agira alors de se poser la question suivante : comment penser un retour à l'état sauvage, indépendant de la civilisation, alors même que le sauvage est une idée qui émane de la civilisation ? L’objet d’étude que constitue l’enfant sauvage sera le point de départ de notre recherche (I) parce qu’il offre d’une part un « une sorte de point critique absolu sur le vieux problème de la nature humaine » (Strivay, 2006, p.34), et d’autre part, l’objet de mythes, d'interprétations, et d’instrumentalisations qui ont tout à fait façonnés l’imaginaire occidental du sauvage (II). Ces pistes nous mèneront à comprendre le rapport occidental actuel au sauvage, qui présente des enjeux à la fois politiques et esthétiques (III).


Louis Limon, Eulalie Uguen, Pauline Muller, Vega Babinet.


BIBLIOGRAPHIE: 


CIVILISATION : Définition de CIVILISATION, https://www.cnrtl.fr/definition/civilisation,  consulté le 7 mars 2021.


Strivay Lucienne, 2006, Enfants sauvages. Approches anthropologiques, France, Gallimard.





















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