Princesse Mononoké et Nausicaa de la Vallée du Vent : puissant plaidoyer environnementaliste ou propagande ratée ?



Tanu’critique


Princesse mononoké et Nausicaa de la vallée du vent = puissant plaidoyer environnementaliste ou propagande ratée ?

Etoile montante du cinéma, le studio Ghibli frappe encore une fois avec ces deux films aux impacts majeurs. Dans Princesse Mononoké et Nausicaa de la Vallée du Vent, la touche Miyazaki se fait ressentir. A travers des paysages apocalyptiques et des animaux féeriques, le réalisateur nippon tente de répandre un puissant message environnementaliste. Mais peut-on parler de véritables chefs d’œuvre ?



FICHE TECHNIQUE à


Princesse Mononoké                                        Nausicaa de la Vallée du Vent


Date : 12 juillet 1997                                                Date : 11 mars 1984

Réalisation : Hayao Miyazaki                                 Réalisation : Hayao Miyazaki

Durée : 2h14                                                             Durée : 1h56

 


 

 



Coup de com’ ou message assumé


Miyazaki, réalisateur connu pour ses films poignants et politiques, a-t-il réussi son pari de marquer les esprits et changer les consciences ? L’équipe de Tanu’critique a rencontré 2 spécialistes pour répondre à cette question : Gwendolyn Morgan et Melanie Chan, deux professeures ayant écrit sur les travaux de Miyazaki en 2015.


-     -  « Pouvez-vous nous parler de ce qui vous a donné envie de travailler sur les œuvres de Miyazaki ?


    CHAN : « Un aspect que je trouve marquant dans ses films et notamment dans Princesse Mononoké et Nausicaa de la Vallée du Vent est la présentation de la nature comme force, voire comme danger que l’humain n’a pas su contrôler »


En effet, Chan et Morgan proposent une analyse de la représentation de la nature dans ces œuvres ainsi que de la relation entre les humains et l’environnement. Toutes deux nous ont donc parlé du message environnementaliste de Miyazaki sans néanmoins en donner une définition claire.


"L'environnementalisme est un courant de pensée et d'idées politiques qui se donne pour objectif de préserver la nature de l'action humaine en prônant son respect et sa restauration"                                                                                          selon le site Toupie

 

    MORGAN : « Je pense qu’il est important de noter les deux principales peurs de l’humain face à la nature : la perte de contrôle et le fait de vivre avec ses conséquences. Miyazaki joue sur ces peurs avec les paysages apocalyptiques de Nausicaa ou l’image de la vague visqueuse tuant tout ce qu’elle touche dans Princesse Mononoké. Amy Murphy, par exemple, parle de l’existence d’un point de non-retour où la nature deviendrait revancharde et ne permettrait plus à l’humain de la contrôler. »  


    CHAN : « Prenez des films comme Les aventures de Zak et Crysta dans la forêt tropicale de FernGully [studio FAI Films, 1992] ou Wall-E [studios Pixar, 2008]. Certes, on retrouve une opposition entre le monde industrialisé et la nature mais les romances entre les individus de ces milieux contraires ne sont point comparables aux différents niveaux de compréhension que nous offre Miyazaki dans ses films. »


Entre bombe atomique et agriculture


Un autre aspect sur lequel Morgan et Chan ont insisté durant notre entretien est l’importance de la destruction et du conflit dans Princesse Mononoké et Nausicaa de la Vallée du Vent.


-     -  « Dans vos ouvrages vous évoquez des références à l’histoire japonaise dans ces films, pouvez-vous nous en dire un peu plus ? »


    CHAN : « Oui, en effet, Miyazaki rend hommage à la culture japonaise. Par exemple, on peut parler de satoyama, un type d’agriculture qui était utilisé au Japon et qui aida le développement des plantes. On peut le relier avec la forêt de Princesse Mononoké qui était le royaume des dieux mais qui, comme pour le satoyama avec l’utilisation des pesticides, a pris un mauvais tournant et fut détruite par l’action humaine. »


    MORGAN : « On peut même rajouter que le paysage apocalyptique dans lequel se déroule Nausicaa de la Vallée du Vent fait écho aux catastrophes nucléaires au Japon en 1945. L’ancien dieu guerrier peut ainsi être vu comme la bombe atomique. Comme le dit le Docteur Napier, cette destruction serait une prise de conscience pour le spectateur, un moyen de lui montrer l’impact qu’il peut avoir. »


Les deux professeures nous ont ensuite expliqué que Miyazaki fait appel à nos émotions, nos peurs de la guerre ou de la destruction pour nous faire réaliser les conséquences du contrôle de la nature.


    CHAN : « C’est en quelque sorte sa manière à lui de développer des préoccupations environne

mentales chez son public et plus particulièrement celui japonais. »


    MORGAN : « Tout à fait ! Il joue sur les émotions du spectateur et propose une vision pleine d’espoir en appelant à une nouvelle relation avec la nature. »

 

La spiritualité : un élément central de ces œuvres


Pour finir notre entretien nous avons discuté des aspects spirituels présents dans la culture japonaise et retrouvables dans les films de Miyazaki. 


-     -  « Un autre aspect qui nous a marqué pendant notre lecture de vos travaux est l’importance relevée entre la spiritualité japonaise et Princesse Mononoké et Nausicaa de la Vallée du Vent.  Avez-vous des exemples précis ? »


    CHAN : « C’est vrai que nous consacrons toutes deux une partie de nos travaux à la spiritualité mais j’ai opté pour une approche plus théorique en m’appuyant sur de nombreux spécialistes alors que Morgan, elle, propose une approche plus empirique. »


    MORGAN : « C’est vrai, nos travaux sont plutôt complémentaires. Alors que Chan parle des kamis, des forces animées présentes dans tous les objets du monde tangible et irréel d’après le shintoïsme. J’ai choisi de parler, par exemple, des sylvains dans Princesse Mononoké qui seraient le résultat de la transformation des croyances animistes en créatures. »


    CHAN : « Exactement ! Miyazaki réutilise beaucoup de croyances shintoïstes dans ses films. Il rend encore une fois hommage à la culture japonaise en mettant les animaux au premier plan. Dans mon livre, je parle par exemple des kuyou qui sont des services offerts aux animaux utilisés en recherche scientifique montrant l’importance de ces derniers dans la culture nippone. »


    MORGAN : « Avant de finir, j’aimerais rajouter qu’une référence au catholicisme peut être relevée lorsque Nausicaa se sacrifie et appelle à Dieu pour sauver la jungle et son peuple. Je pense que cet exemple montre que Miyazaki souhaite toucher une audience toujours plus large et ainsi répandre son message environnementaliste à travers le monde. »

 

Pour en apprendre encore plus !


è  Morgan Gwendolyn, « Creatures in Crisis: Apocalyptic Environmental Visions in Miyazaki’s Nausicaä of the Valley of the Wind and Princess Mononoke », in Resilience: A Journal of the Environmental Humanities, no 3, vol. 2, 2015, p. 172‑183.


è  Chan Melanie, « Environmentalism in Nausicaä of the Valley of the Wind and Princess Mononoke » in Animated Landscapes: History, Form and Function, Bloomsbury Academics., s.l., Bloomsbury, p. 93‑108.

 

Découvrez Princesse Mononoké et Nausicaa de la Vallée du Vent :
 





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